- Accueil
- Lutte ouvrière n°2126
- Coups de colère des travailleurs, grèves, séquestrations de cadres : Le patronat sème le vent...
Leur société
Coups de colère des travailleurs, grèves, séquestrations de cadres : Le patronat sème le vent...
Le gouvernement et la presse à son service voient dans l'explosion de colère des ouvriers de Continental ou les séquestrations de cadres dirigeants de plusieurs autres entreprises comme Sony, Caterpillar, Molex, la main de l'extrême gauche, qui tirerait les ficelles pour manipuler les travailleurs et les pousser à ce type d'actions.
« Qui se cache derrière les meneurs de grève et les salariés qui séquestrent les patrons ? », se demande Le Figaro du 23 avril. « Sont-ils instrumentalisés pour engendrer le chaos ? Nombre d'observateurs estiment que ces débordements volontairement médiatisés portent la signature de l'extrême gauche. » À propos de l'explosion de colère des salariés de Continental à la sous-préfecture de Compiègne, Xavier Bertrand y voit « l'action de certains manipulateurs d'extrême gauche (...) qui n'ont qu'une seule volonté, attiser la violence » ; le journal Libération rapporte lui aussi la « présence de quelques militants de Lutte Ouvrière » qui accompagnaient les salariés.
C'est une constante pour la bourgeoisie que d'analyser les conflits sociaux en termes de minorités qui pensent et agissent à la place des travailleurs. Le mépris dans lequel elle tient les travailleurs, qui seraient, selon elle, incapables de réfléchir et d'agir collectivement par eux-mêmes, n'a d'égal que son aveuglement. De Gaulle, en mai 1968, ne dénonçait-il pas « une poignée de trublions »... qui allaient pourtant, selon son point de vue, être le déclencheur de la plus grande grève qu'ait connue le pays depuis 1936 ?
S'il fallait chercher un détonateur à la colère des travailleurs, il n'y a nul besoin de se tourner vers des militants d'extrême gauche tapis dans l'ombre et qui les manipuleraient. Les patrons et les actionnaires s'en chargent très bien tout seuls. À l'usine Continental de Clairoix par exemple, ce sont eux qui ont soufflé sur les braises. Les dirigeants de l'entreprise avaient fait croire aux ouvriers que, s'ils acceptaient une augmentation de leur temps de travail sans augmentation de salaire, ils allaient sauver leur emploi, du moins jusqu'en 2012. Ils ont manipulé les travailleurs, leur ont sciemment menti pour leur faire accepter des sacrifices. Evidemment, quand la preuve de leur duplicité est apparue au grand jour avec l'annonce de la fermeture de l'usine, cela ne pouvait que déclencher la colère.
Quant aux minorités agissantes, ne se confondent-elles pas avec le grand patronat et les actionnaires qui dictent leur loi en choisissant de produire ce qui leur rapporte le plus d'argent ? Que dire de ces conseils d'administration où une minorité décide, dans le secret et sans états d'âme, de fermer une entreprise parce qu'elle ne la juge pas assez rentable, sans se soucier de l'avenir de milliers de familles ? Cette minorité de capitalistes agit toujours dans un même sens. Elle défend une politique qui consiste à faire payer la crise à la population laborieuse et à piller les caisses de l'État pour son seul profit.
Tous ces gens-là, archi-minoritaires dans la société, reprochent à la classe ouvrière d'avoir en son sein des militants qui ont appris du passé de quelles duperies les grands patrons sont capables pour maintenir leurs privilèges. Loin de « manipuler » les travailleurs, de leur mentir comme le font quotidiennement les actionnaires et les dirigeants des entreprises, ces militants, parmi leurs camarades de travail, sont au premier rang dans la lutte pour éviter que les travailleurs soient les seuls à faire les frais de la crise. Ils veulent au contraire que la grande majorité des travailleurs soit, consciemment, la majorité agissante. Heureusement qu'ils existent !