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- Lutte ouvrière n°2153
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Afrique - Détournements et pillage des richesses : La justice française ne veut pas savoir
La chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris a refusé le 29 octobre l'ouverture d'une enquête sur le patrimoine en France des chefs d'État du Gabon, du Congo, de Guinée équatoriale et celui de leur entourage.
« Aujourd'hui, c'est champagne pour l'association de malfaiteurs franco-africains qui organise et tire profit du pillage des deniers publics africains », a réagi l'avocat de l'ONG Transparency International. Celle-ci avait porté plainte il y a un an pour « recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux, abus de confiance ». Le patrimoine immobilier des trois chefs d'État en France s'élèverait à 160 millions d'euros. Omar Bongo, le dictateur décédé du Gabon auquel son fils a succédé, possédait à lui seul une trentaine de luxueux appartements ou maisons.
Pour rejeter la plainte, la Cour d'appel a invoqué que Transparency ne souffre pas de préjudice personnel et direct par suite des faits de corruption. Pourtant, dans un premier temps, une juge avait reçu la plainte, celle-ci étant analogue à celles déposées par exemple par des associations antiracistes ou même luttant contre le tabac, tout à fait habilitées à agir en justice. Mais le parquet, qui dépend, rappelons-le, du gouvernement, avait contesté cette décision.
La Cour d'appel, qui vient de juger dans le même sens, explique que l'action de Transparency n'a pas lieu d'être car dans ce cas « la réparation d'un trouble à l'intérêt général est assurée par l'action du ministère public ». Mais justement, celui-ci s'empresse de ne rien faire !
L'enjeu dépasse évidemment les quelques centaines de millions d'euros prélevés sur les richesses de leur pays pour enrichir personnellement les dictateurs incriminés. Le Gabon et le Congo font partie du domaine réservé de la France, leur sol recèle d'importantes ressources, du pétrole en particulier, de même que la Guinée équatoriale (ex-colonie espagnole) voisine, troisième producteur de pétrole d'Afrique sub-saharienne. S'il faut parler de « biens mal acquis » et de « pillage » pour les détournements des dictateurs africains, ces mêmes mots peuvent aussi servir à qualifier la raison de la présence française dans ces pays, à une tout autre échelle. Et il ne faut pas qu'en mécontentant ceux-ci, la justice risque de mettre en cause celle-là.