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- Lutte ouvrière n°2154
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Le 9 novembre 1918, La vraie révolution allemande éclatait
« L'Allemagne a célébré sa révolution », écrit L'Express le 10 novembre 2009 ; « une révolution miraculeuse », renchérit Schräube, le ministre conservateur allemand des Finances ; cela devient même « la première révolution réussie en Allemagne », selon un ancien rédacteur du Monde. Mais si le 9 novembre est l'anniversaire d'une vraie révolution, il ne s'agit pas de la chute du mur. Il s'agit de la Révolution de Novembre qui commença avant ta fin de la Première Guerre mondiale et au cours de laquelle, le 9 novembre 1918, à l'annonce de l'abdication de l'empereur Guillaume II, la République des Conseils fut proclamée à Berlin par Karl Liebknecht.
Toute l'année 1918, les grèves s'étaient succédé dans les usines du Reich, pour le ravitaillement, contre la répression politique, pour une paix sans annexions. Des mutineries se produisirent à Kiel, une des bases de la marine de guerre, tant contre l'inutilité des sacrifices consentis pendant quatre ans que contre la morgue féroce des officiers. Des comités de grève s'organisèrent, des Conseils d'ouvriers et de soldats de la Kriegsmarine se formèrent, à l'exemple de ceux de ceux des ouvriers et soldats russes.
Novembre 1918 : armistice et écroulement du Reich
En novembre, devant la révolution qui se répandait comme une traînée de poudre, la bourgeoisie allemande et l'état-major furent contraints de renvoyer Guillaume et de faire appel, le 9 novembre, à un dirigeant social-démocrate, Friedrich Ebert, pour tenter de sauver le Reich de la tempête ouvrière. Puis, le 11 novembre, l'état-major, face aux armées alliées, dut accepter un armistice.
Ce sont donc les révolutions déclenchées par les ouvriers et les soldats, en Russie d'abord, en Allemagne ensuite, qui après avoir renversé les monarchies en place contraignirent les dirigeants à mettre fin à ce premier massacre presque planétaire.
Mais la proclamation de la république et la prise en main des rênes du pays par un gouvernement intentionnellement baptisé « Conseil des commissaires du peuple », mais qui était dirigé par un social-démocrate qui avait pendant quatre ans et demi soutenu la politique de Guillaume II, n'empêchaient pas la vague révolutionnaire de continuer à enfler.
Dans l'urgence de la situation, devant la confusion sciemment entretenue par les dirigeants sociaux-démocrates, les militants socialistes révolutionnaires du Groupe Spartakus, autour de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, décidèrent de planter clairement le drapeau de la classe ouvrière. Le KPD, le Parti Communiste d'Allemagne, vit le jour aux dernières heures de l'année 1918.
Janvier 1919 : l'ordre bourgeois règne à Berlin
Ce parti, l'alliance étroite de la bourgeoisie, de l'état-major et des sociaux-démocrates à la Ebert allait tout faire pour le décapiter avant qu'il ne parvienne à gagner la confiance des masses ouvrières. C'est le gouvernement social-démocrate qui engagea l'épreuve de force début janvier 1919 contre le prolétariat berlinois, en limogeant le préfet de police de la ville, un socialiste indépendant, Eichhorn, considéré comme un allié des ouvriers. Les ouvriers berlinois se mobilisèrent, enchaînant grèves et manifestations. Sans tarder, le 11 janvier, les corps francs dirigés par Noske, le ministre social-démocrate des Armées, entrèrent dans Berlin et s'y livrèrent, pendant une « semaine sanglante », à un véritable massacre d'ouvriers et de de militants. « L'ordre règne à Berlin », écrivait avec rage Rosa Luxemburg, peu avant son arrestation et son assassinat, le 15 janvier 1919, par les troupes à la solde du gouvernement, le jour où était également assassiné son camarade, Karl Liebknecht, au grand soulagement de tout ce que l'Europe comptait de réactionnaires.
Les deux dirigeants révolutionnaires éliminés, la vague révolutionnaire ne s'apaisa pas pour autant. Plusieurs mois durant, dans d'autres grèves, d'autres combats, des travailleurs révolutionnaires affrontèrent la répression et les corps francs. Pendant plusieurs années encore, jusqu'en 1923, des épisodes révolutionnaires exprimèrent en Allemagne l'existence de forces sociales prêtes à changer le monde, le regard tourné vers la classe ouvrière russe, mais en vain.
Ces graves défaites du mouvement ouvrier allemand, qui laissèrent la Russie des Soviets isolée, influença lourdement l'évolution du mouvement communiste.
De ce fait, la voie était ouverte à une autre défaite, d'une portée incalculable pour les peuples du monde, lorsque sur les ruines de la République de Weimar, la bourgeoisie allemande installa Hitler au pouvoir en janvier 1933.
Ceux qui avaient applaudi au massacre de tant de révolutionnaires allemands allaient avoir affaire à la peste brune nazie.