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« Grand emprunt » : La mise en scène de Sarkozy
Présentant son « grand emprunt » aux parlementaires réunis à Versailles en juin dernier, Sarkozy parlait de révolution et de dépenses d'investissement à même de préparer un avenir radieux pour tous ceux que la crise écrase. À l'époque, il s'agissait surtout de faire l'actualité, car Sarkozy ne précisait ni le montant de l'emprunt, ni sa nature, ni son affectation. Mais après six mois de gestation sous les auspices de Rocard et Juppé, le président a tranché et a annoncé sa décision lundi 14 décembre.
L'État investira trente-cinq milliards d'euros, dont vingt-deux seront empruntés sur le marché. Le premier effet, prévisible, de l'emprunt sera d'offrir une nouvelle rente aux banquiers. Ces derniers prêteront à l'État l'argent qu'il met quasi gratuitement à leur disposition depuis dix-huit mois, directement ou par l'intermédiaire des banques centrales. Ces vingt-deux milliards ne représentent d'ailleurs qu'un mois d'emprunt normal de l'État. Le grand emprunt est donc un petit emprunt qui s'ajoutera tout de même à la dette déjà énorme de l'État.
Seize milliards d'euros seront consacrés aux industries et PME, cinq au développement durable et quatre et demi au numérique. Ces capitaux partiront, directement ou pas, dans les caisses des grands groupes industriels pour financer, en théorie, les investissements de recherche qu'ils ne veulent pas faire, trop occupés qu'ils sont à maintenir leurs profits immédiats.
Le reste, soit dix-neuf milliards d'euros, ira à l'enseignement supérieur, à la formation et à la recherche, secteurs qui sont pourtant théoriquement financés par le budget normal de l'État. En somme, le gouvernement qui a vidé les caisses pour soutenir les profits des grands groupes industriels et financiers est aujourd'hui contraint d'emprunter pour assurer une mission de service public essentielle, la formation des chercheurs et le financement de leurs travaux.
Les commentateurs ont noté que toutes les mesures préconisées par Rocard et Juppé avaient été retenues presque sans changement, sauf une qui a disparu. Il s'agit des travaux d'isolement thermique des logements HLM, c'est-à-dire d'un investissement concret qui aurait intéressé directement les couche populaires. Tout un symbole.
Sarkozy peut bien parler d'avenir et d'investissement, les capitalistes préfèrent consacrer leur argent à spéculer qu'à investir, laissant à l'État le soin de le faire à leur place. Mais en période de crise tout l'argent public sert à colmater les brèches du système et, en matière d'investissement productif, le grand emprunt se réduit à une peau de chagrin décorative.
La politique de Sarkozy, comme celle de tous les gouvernements des pays riches, consiste en fait à transfuser, au jour le jour, de l'argent frais dans les trésoreries des grands groupes capitalistes. Ils le font en rançonnant la population, en coupant dans les dépenses utiles... et en priant pour que les montagnes de dettes publiques ainsi créées ne fassent pas exploser le système financier.