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Grande-Bretagne : Ils font les poches aux travailleurs en prétendant taxer les banques
Le 9 décembre, coup de théâtre : dans son projet de budget 2009-2010, le ministre des Finances britannique Alistair Darling annonçait une « super-taxe » de 50 % sur les bonus dépassant 27 000 euros versés aux « traders » et autres. Et les gros titres des médias de hurler au « retour du socialisme » ou d'annoncer que « la terreur fond sur la City » (le quartier des affaires). Quant à The Economist, organe « sérieux » des milieux d'affaires, il paraissait le lendemain avec à la une un montage du Premier ministre Gordon Brown en manifestant gauchiste sous le titre : « Guerrier de classe ». Rien que ça !
Depuis près de 18 mois que les travaillistes arrosaient de milliards les banques, puis les grandes entreprises, en menaçant de sévir contre les manifestations de richesses trop ostensibles de ces dernières, il fallait bien que Darling finisse par faire un geste. Et ce d'autant plus que la Grande-Bretagne est en pleine campagne électorale pour le renouvellement du Parlement et que les travaillistes ont bien des couleuvres à faire avaler à leur électorat.
Tout le monde s'y attendait donc et cela faisait des semaines que les spéculations allaient bon train dans la presse. Certains évoquaient même - avec une horreur évidente - l'impôt exceptionnel sur les profits des banques imposé lors de la récession de 1981 par le Premier ministre conservateur d'alors, une certaine Margaret Thatcher. Mais le gouvernement travailliste n'a aucune envie de recourir à de tels « extrêmes ».
Pour commencer, il n'est pas question d'exiger le montant de cette taxe des bénéficiaires eux-mêmes. Ce sont les banques qui devront la payer, sous prétexte de les inciter à se montrer plus chiches avec leurs dirigeants et leurs courtiers vedettes. Or ces banques, qui vivent depuis plus d'un an sous perfusion étatique, parviennent maintenant à dégager des milliards de profits, alors même que leurs pertes réelles sont loin d'être connues - et encore moins épongées. Elles ne sont de toute évidence pas à une taxe près.
De toute façon, il n'est pas question que cette taxe touche toutes les activités bancaires et encore moins l'ensemble de la finance. Il aura suffi de quelques pressions pour que, quelques jours après, deux catégories importantes de financiers en soient exemptés ainsi que les divisions des banques correspondantes - il s'agit des courtiers en Bourse et des administrateurs de fonds (ceux qui font fructifier les grandes fortunes).
Mais surtout, la portée réelle de cette taxe apparaît dans tout son ridicule quand on sait qu'elle ne s'appliquera qu'aux bonus en espèces (autour de 10 % du montant total des bonus versés dans la City, les autres étant versés en actions) et encore, seulement aux bonus décidés et versés entre le 9 décembre 2009 et le 6 avril 2010. Il suffit donc aux banques d'antidater la décision de verser un bonus ou d'en repousser le versement pour que celui-ci échappe à la taxe. Un jeu d'enfant pour leurs services spécialisés dans l'évasion fiscale !
Le ministre des Finances travailliste a admis qu'il ne compte pas encaisser plus de 600 millions d'euros au moyen de cette « super-taxe » - c'est-à-dire, pour fixer les idées, moins d'un tiers des bonus que la seule Royal Bank of Scotland, la troisième banque britannique dont l'État détient 90 % du capital, a officiellement prévu de distribuer au cours de cette période... aux frais du contribuable. Autant dire que cette taxe médiatique sur les banquiers ne rapportera rien.
En revanche, il n'en va pas de même de l'augmentation de 1 % du taux des contributions sociales sur les salaires que cache l'annonce tonitruante de cette « super-taxe ». Cette augmentation rapportera, à elle seule, près de huit milliards d'euros. Mais à la différence de la « super-taxe » sur les bonus, non seulement elle affecte de façon disproportionnée les bas salaires, mais en plus elle n'affecte pas du tout les revenus du capital : dividendes, stock-options, plus-values financières, etc.
Comble d'ironie, le projet de budget de Darling prévoit également de réduire les dépenses de l'État, et donc les budgets sociaux financés par les contributions sociales, d'environ 3 % en valeur nominale, et en fait de bien plus en valeur réelle.
La poudre aux yeux éliminée, reste donc une orientation qui fait l'unanimité dans la classe politique : présenter à la population laborieuse, en plus de ce qu'elle paie déjà par la montée du chômage et la baisse des salaires, l'addition de la crise du capitalisme.