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Aviation civile : Les aiguilleurs du ciel en grève
Déclenchée mardi 23 février et prévue jusqu'au samedi 27, la grève des contrôleurs aériens a, dès son premier jour, paralysé une bonne partie du trafic des aéroports. Une preuve du fait que, sans ses « aiguilleurs », le ciel se vide. Et tant mieux, car ce sont eux qui assurent la sécurité des vols, donc des passagers et des équipages, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
La majorité des médias a préféré, elle, présenter cette grève comme étant le fait de salariés bien payés qui travailleraient peu. Resservi chaque fois que les contrôleurs aériens font grève, l'argument n'en est pas moins absurde, en plus d'être antigréviste.
D'abord, les techniciens et ingénieurs des tours de contrôle ne sont pas mieux payés que ceux qui, à la tête des compagnies aériennes ou de l'aviation civile (DGAC), voire dans les rédactions, prétendent leur faire la leçon. Et il y a gros à parier que tous ces gens-là, et même les membres de la Cour des comptes, qui viennent de critiquer les horaires et rémunérations des contrôleurs aériens - en oubliant les leurs - préfèrent, quand ils prennent l'avion, que le contrôleur qui a la charge de gérer leur vol, vu la responsabilité de son travail, n'ait pas été soumis à un horaire chargé les jours précédents !
D'ailleurs, les travailleurs, eux, savent bien que dénoncer des grévistes comme des « privilégiés » est une vieille ficelle qui a beaucoup servi au patronat et à ceux qui s'en font les relais. Cela contre toutes sortes de professions quand leurs salariés n'acceptent pas qu'on s'en prenne à leurs conditions de travail et de salaire.
Dans le cas présent, ce que contestent les grévistes, c'est que, sous prétexte de rationaliser le contrôle du ciel, les gouvernements de France, d'Allemagne, de Suisse, de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas préparent un mauvais coup contre eux, au profit des compagnies aériennes.
Certes, on nous dit que, dans le cadre du « ciel unique européen », et de son partage en neuf unités, les six pays mentionnés veulent fusionner l'organisation de leur contrôle aérien national en un « bloc d'espace fonctionnel ».
Ce projet, appelé Fabec selon ses initiales en anglais, doit entrer en vigueur en 2012. Il vise à préparer le transport aérien à un trafic qui devrait augmenter de 50 % en quinze ans. Mode de l'écologie oblige, Fabec permettrait, dit-on, de réduire les routes aériennes, ce dont bénéficierait l'environnement.
Cette présentation passe juste sous silence quelques « détails ». Ce projet vise d'abord à réduire de 20 % les coûts du contrôle aérien, ce dont les premières à bénéficier seront les compagnies aériennes. Fabec s'accompagnera aussi de réductions de salaires et d'une dégradation des conditions de travail, en tout cas pour les nouveaux embauchés qui perdront le statut de fonctionnaire de la DGAC. Et même quand le directeur de l'aviation civile (qui compte 12 000 agents, dont 4 400 aiguilleurs du ciel) affirme que la DGAC « ne disparaîtra pas » et que « la privatisation n'est pas à l'ordre du jour », qui peut croire sur parole un représentant de l'État, surtout en pareil domaine ? A-t-on oublié comment Air France, qui ne devait pas l'être, promis-juré, a été privatisé - comme France Télécom, GDF, La Poste ? Et puis on a vu, à l'occasion de catastrophes aériennes comme celle du lac de Constance en Suisse, ou d'incidents aériens graves en Grande-Bretagne, ce que valent ces prétendues « non-privatisations » du contrôle aérien... qui s'accompagnent de réductions d'effectifs et de l'« externalisation » de tâches confiées au privé.