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Leur société
Retraites : Les travailleurs face à la tactique des syndicats
À l'issue de la journée du 27 mai, cinq syndicats, la CGT, la CFDT, Unsa, la FSU et Solidaires, ont annoncé une nouvelle journée d'action, cette fois sur le seul thème des retraites, pour le 24 juin, alors que le 27 mai se voulait fédérateur en ayant l'emploi et les salaires parmi ses revendications.
Les modalités de cette journée ne seront fixées qu'après le 14 juin, à l'issue du congrès de la CFDT. Quant aux revendications mises en avant, il n'y en a pas en dehors du refus, pour le moment, du report de l'âge légal de la retraite au-delà de 60 ans. Quant à FO, elle continue à faire cavalier seul avec son appel à une grève pour le 15 juin et une manifestation nationale à Paris ce jour-là.
Dans cette période où le patronat et le gouvernement à son service mènent une attaque tout azimut contre les travailleurs, c'est peu dire que la tactique des dirigeants des confédérations syndicales n'a rien de mobilisateur.
Certes il y a des appels à des journées d'action, et bien évidemment les travailleurs ont tout intérêt à s'en servir pour leur donner, par leur mobilisation, le contenu qu'elles n'ont pas dans l'esprit de leurs promoteurs, et qu'elles devraient avoir. Car les appels séparés, à des dates différentes et avec des modalités particulières, sans objectifs revendicatifs et sans perspectives visibles de mobilisation, risquent de renforcer la démoralisation et le sentiment de fatalité face aux coups qui pleuvent.
La CGT et Thibault, au nom de « l'unité », s'alignent totalement sur la CFDT, au point de faire dépendre des décisions du congrès de la CFDT le 24 juin et ses revendications. Or ce que prône la CFDT est « de rester dans l'esprit de la réforme de 2003 », la réforme Fillon que la CFDT avait appuyée et défendue et dont le dispositif central était l'augmentation de la durée de cotisation à 40 ans, 41 aujourd'hui. Un des enjeux du congrès de la CFDT, annoncé ouvertement par ses dirigeants, est de faire avaliser cette proposition d'allongement de la durée de cotisation à 42, 43 ans ou plus si besoin. Ce qui revient à supprimer de fait la retraite à 60 ans, mais de façon plus hypocrite.
Le pire, c'est que ce positionnement tente d'accréditer au sein du monde du travail le fait que les sacrifices sont inéluctables. Et l'inflexibilité de Chérèque, même sur le simple maintien de la retraite légale à 60 ans, est déjà remise en cause... par lui-même puisqu'il vient de déclarer : « Nous sommes totalement opposés à la remise en cause de la retraite à 60 ans, je le répète, nous demandons au gouvernement de retirer ce projet. Mais nous faisons aussi notre travail de syndicalistes en essayant d'obtenir des mesures qui atténueraient les effets d'une telle décision .» C'est dire si les travailleurs peuvent faire confiance à de tels chefs qui annoncent, avant même l'ouverture des hostilités, qu'ils sont déjà prêts à capituler.
Tout cela, Thibault le sait parfaitement et son alignement sur la CFDT n'est pas innocent et sert de couverture à ses propres renoncements. Dans ce bal des hypocrites, Mailly, le dirigeant de FO, a toute sa place, en déclarant que FO, elle, s'oppose à tout allongement de la durée de cotisation, en organisant seule une journée de son côté, le 15 juin, avec une grève interprofessionnelle de 24 heures qui, dans ces conditions, ne pourra en rien être une étape de mobilisation.
La seule chose qui permettrait d'aller de l'avant, de redonner confiance aux travailleurs dans leur force, serait déjà de les rassembler et à partir de là d'ouvrir des perspectives, en montrant une volonté de mener la lutte jusqu'au bout, même si cela doit passer par des étapes successives. Mais ce n'est pas le but de Mailly, ni des autres.
Tout au plus se comportent-ils comme des « partenaires », sociaux bien évidemment, mais des partenaires du gouvernement et du patronat, qui aspirent à être associés aux décisions à venir et jouent chacun son rôle et sa partition.
Bien des travailleurs, bien des militants syndicaux enragent de l'apathie des appareils syndicaux. Mais ils n'ont aucune raison de s'y résigner. Ils peuvent défendre une autre perspective, celle d'une contre-offensive du monde du travail qui peut être irrésistible si elle ne se contente pas des limites qu'y mettent les dirigeants des confédérations syndicales.