- Accueil
- Lutte ouvrière n°2234
- Espagne : La contestation des « indignés » continue
Dans le monde
Espagne : La contestation des « indignés » continue
Le mouvement 15-M (15 mai), comme il s'appelle aujourd'hui, a marqué la dernière semaine électorale en Espagne, faisant souffler un air vivifiant et entendre une autre voix que celle des politiciens de droite du Parti populaire (PP) et du Parti socialiste (PSOE).
Dans plus de 150 villes du pays, des jeunes pour la plupart ont transformé leur manifestation en occupation d'une place et en « campement ». Ils tenaient par là à faire connaître leur rejet des deux grands partis politiques. Ils appelaient à « une vraie démocratie, maintenant » ; un mot d'ordre vague allant de pair avec la dénonciation des injustices de cette société, en particulier le chômage ou la misère. Ils ont réussi à occuper les lieux y compris pendant le week-end électoral, entendant y rester encore une semaine.
La Puerta del Sol à Madrid en particulier continue à attirer des milliers de jeunes et moins jeunes venus pour voir, discuter et respirer un air de liberté et de contestation, dans un climat politique morose marqué par la dégradation du niveau de vie qui touche la majorité de la population et par les attaques contre le monde ouvrier.
En Espagne, le chômage frappe particulièrement les jeunes, diplômés ou pas. Beaucoup habitent chez leurs parents et il n'est pas rare pour des trentenaires d'y revenir après la perte d'un emploi ou parce que leur salaire est devenu insuffisant. L'avenir semble d'autant plus bouché qu'avec les deux partis qui alternent au pouvoir c'est la même politique d'austérité, les scandales financiers, et la corruption qui dominent. Quant aux deux centrales syndicales majoritaires, CCOO (Commissions ouvrières) et UGT, elles n'ont fait qu'accompagner le gouvernement dans ses réformes antiouvrières.
En avril dernier, quelques centaines de jeunes, sous le nom de « la jeunesse sans avenir », avaient manifesté leur colère. Sur Internet, des réseaux se sont constitués réclamant « la démocratie réelle, maintenant », se référant pour la plupart aux récents mouvements dans les pays arabes, et appelant à une manifestation le 15 mai. Ce jour-là, ils furent des dizaines de milliers à avancer des slogans comme « Indigne-toi », « Sans travail, sans logement, sans retraite, sans peur ». On a pu entendre crier : « PPSOE, ne les vote pas » (un raccourci pour dire ne vote pas pour eux), ou bien affirmer : « Nous ne sommes pas des marchandises aux mains des politiques et des banquiers. »
Le caractère un peu vague de ces mots d'ordre permettait à chacun d'y donner le contenu de son choix. Pour tous les participants, ce fut un succès et un encouragement à poursuivre dans toutes les villes et à occuper les lieux jusqu'au dimanche des élections. Il y eut quelques échauffourées avec la police, la junte électorale interdit le rassemblement pour le samedi, « jour de réflexion » (électorale), mais aucune autorité n'osa finalement les déloger.
À Madrid, à Barcelone, à Séville, ces campements s'organisèrent avec stands, forums de discussions, commissions de toutes sortes, les appels, résolutions étant largement diffusés via Internet. La Puerta del Sol s'est transformée en « place de la Solution », signe des préoccupations des « indignés ». Le manifeste élaboré à Madrid dénonce comme des « infamies », FMI, PP, PSOE, Banque centrale européenne, agences de notation... Mais que faire ? Les indignés revendiquent la réforme de la loi électorale, cherchent « des alternatives de participation citoyenne » et ne manquent pas de se référer à l'exemple islandais.
Marqué par le rejet des partis politiques, prônant l'intervention « citoyenne », le mouvement du 15-M recherche un certain consensus qui limite pour l'instant ses objectifs. Or le vrai débat ne fait que commencer : comment empêcher les banquiers de nuire ? Comment en finir avec le chômage ? Comment changer cette société ? Quel peut être le rôle de la classe ouvrière, qui produit toutes les richesses, dans les luttes politiques et sociales ? Les initiateurs du mouvement restent très imprécis.
En tout cas cette poussée contestataire de ceux que des milliers et des milliers de travailleurs appellent « los chabales » (les jeunes) secoue ceux qui depuis des années subissent les coups et se sentent impuissants. C'est une bouffée d'espoir pour tous ceux qui ne veulent plus subir la crise et qui, mobilisés, pourraient avoir la force de s'en prendre aux vrais responsables, les capitalistes.