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- Lutte ouvrière n°2297
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Russie : Les Pussy Riot devant les juges - une opposition forcément « satanique »
Le procès de trois jeunes femmes, membres du groupe musical russe Pussy Riot, vient de s'ouvrir à Moscou. Elles sont accusées d'avoir entonné en février, dans la cathédrale du Christ-Sauveur, une « prière punk » anti-Poutine. Or ce dernier, qui affrontait depuis des mois une vague de contestation massive dans la rue, se présentait alors comme candidat du pouvoir à l'élection présidentielle avec le soutien appuyé de l'Église orthodoxe.
Détenues depuis cinq mois, les coupables de ce « blasphème », qui visait à « jeter les fidèles dans les bras de Satan » selon l'accusation, risquent sept ans de prison. Et elles comparaissent, enfermées dans une cage en verre, face à une juge acquise à la cause d'une hiérarchie religieuse redevenue le bras idéologique du régime.
On en a une bonne illustration avec le lieu du « délit », la cathédrale du Christ-Sauveur qui brille de ses coupoles couvertes d'or au centre de Moscou. Cathédrale la plus vaste du pays, elle a été reconstruite, à force de milliards de subventions publiques, juste après l'effondrement de l'Union soviétique. Dans une Russie pillée par la bureaucratie et les mafias, dont les classes laborieuses s'enfonçaient dans la misère, le pouvoir voulait ainsi affirmer combien il comptait sur l'Église orthodoxe pour encadrer la population. Face à celle-ci, depuis lors, pouvoir et Église font front commun : les dignitaires religieux bénissent le régime, lequel poursuit en justice tous ceux que l'Église accuse d'offenser la foi, le dogme, ses rites et pratiques d'un autre âge...
Évidemment, de tels procès font tache. Et devant les protestations, en Russie mais aussi de nombreuses personnalités internationales, le Kremlin a mis un peu d'eau dans son cahors -- le vin de messe orthodoxe. Poutine a ainsi déclaré qu'il n'y avait « rien de bon » dans les actes des Pussy Riot, mais qu'il ne fallait « pas les juger trop sévèrement ».
On verra ce que fera une justice russe aux ordres. Mais on voit d'ores et déjà que Poutine, revenu au Kremlin, a entrepris de juguler toute forme d'opposition.
S'il est question de libérer 13 000 condamnés pour crime économique -- en fait des bureaucrates affairistes, mafieux, fonctionnaires véreux... -- les poursuites pleuvent contre tous ceux qui, de près ou de loin, contestent le régime. Les sanctions pénales et financières ont été alourdies pour participation à une manifestation non agréée par les autorités. Or tout groupe de plus de trois personnes en un lieu public peut être assimilé à un rassemblement non autorisé. Quant aux organisations dites non gouvernementales, une nouvelle loi les caractérise comme « agents de l'étranger ». Cela permet de condamner à ce titre les membres d'ONG, dont beaucoup critiquent le clan Poutine !
Le pouvoir russe, qui a décidé d'intensifier ses attaques contre les rares droits sociaux encore existants et, finalement, contre le niveau de vie de la population, voudrait étouffer toute expression d'un point de vue discordant. Fût-elle musicale comme dans le cas des Pussy Riot...