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- Lutte ouvrière n°2360
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Leur société
Fusillés « pour l'exemple » de 1914-1918 : Assassinés par l'état-major
Ce dossier avait été entrouvert en 1998 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, qui, dans un discours à Craonne, avait affirmé que les mutins devaient « réintégrer, pleinement, notre mémoire collective nationale », mais le président Chirac l'avait refermé, jugeant la proposition « inopportune ». En 2011, Sarkozy avait dit des combattants de 1914-1918 que « tous furent des héros, même ceux qui, après avoir affronté avec un courage inouï, les plus terribles épreuves, refusèrent un jour d'avancer parce qu'ils n'en pouvaient plus ». Paroles qui n'ont eu aucune suite.
Durant cette guerre, selon les archives de l'armée, dont on sait qu'elles sont incomplètes, 740 soldats français ont été « fusillés pour l'exemple » après des jugements expéditifs pour refus d'obéissance, abandon de poste ou mutinerie.
Durant les dix-sept premiers mois de la guerre, les deux tiers des fusillés, 430 soldats environ, ont été exécutés sur ordre des « conseils de guerre spéciaux », une institution militaire expéditive, ne laissant aux accusés que peu de moyens de se défendre. Pour les cadres de l'armée, il s'agissait d'imposer une discipline de fer afin que les hommes marchent au combat.
Pour les historiens auteurs du rapport, ces condamnés étaient « des soldats comme des milliers d'autres, qui se sont battus comme eux et ont eu un jour un moment de faiblesse ou de ras-le-bol » et « un large consensus existe dans notre société pour estimer que la plupart n'étaient pas des lâches ».
Ce consensus diminue de beaucoup quand il s'agit de prendre en compte les soldats qui se mutinèrent à partir de 1917. Avec l'éclatement de la révolution russe et l'espoir qu'elle souleva, des dizaines de milliers de soldats furent influencés par cette seule guerre juste qu'était la révolution. Aujourd'hui la Ligue des droits de l'homme ou la Libre Pensée voudrait à juste titre une « réhabilitation générale ».
Les historiens, eux, n'ont pas l'intention d'aller aussi loin et se contenteraient d'une déclaration solennelle assortie éventuellement d'un projet pédagogique. Mais, déjà, cette suggestion, pourtant modérée, fait monter au créneau des associations patriotiques qui n'ont toujours pas médité la réflexion d'Anatole France : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels ».
Dans une lettre au ministre délégué, ces associations dénoncent « les conséquences (...) dramatiques pour le peuple français si son armée avait plié et s'était mutinée devant l'agresseur ». Pour ce comité, « vouloir considérer tous les morts de la guerre comme morts au combat, c'est-à-dire comme morts pour la France, (...) consisterait à modifier l'histoire, telle qu'elle est, à des fins partisanes ». Comme si les fins poursuivies par les grandes puissances en guerre en 1914-1918 n'avaient pas été partisanes ! Comme si les véritables buts de la guerre n'avaient pas été dissimulés aux soldats et à l'opinion publique. Comme si les traités auxquels cette guerre a abouti, comme le traité de Versailles, n'avaient pas montré que la guerre entendait imposer un nouveau partage du monde, aussi inique que le précédent et qui allait être une des causes de la guerre mondiale suivante.
On verra quelle suite donnera le gouvernement au rapport des historiens.
On peut cependant noter que des municipalités et des collectivités territoriales n'ont pas attendu le gouvernement pour réhabiliter des « fusillés pour l'exemple ». Treize conseils généraux se sont prononcés pour leur réhabilitation, dont le conseil général de Corrèze sous la présidence d'un certain... François Hollande.