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Ukraine : Après le référendum indépendantiste du Donbass
Depuis des semaines, le pouvoir central ukrainien, non seulement refuse toute idée de consultation populaire sur l'avenir de ces régions, mais assiège militairement les villes du Donbass qui ont fait sécession. Quant aux États-Unis, qui soutiennent ce gouvernement, ils ont dénoncé ce référendum comme « illégal » et « illégitime ». Paris et Berlin ont pour leur part publié un communiqué commun le qualifiant de « nul et non avenu ». Les médias européens ont, eux, repris en boucle le thème d'un référendum illégal, sans jamais oublier de traiter « d'autoproclamée » la République de Donetsk.
À ce compte, on pourrait se demander pourquoi les mêmes ne qualifient pas d'illégitime et d'autoproclamé l'actuel gouvernement ukrainien que personne n'a élu. Il a pris la place d'un président Ianoukovitch, certes corrompu et odieux mais qui, lui, avait été élu sans que la fameuse « communauté internationale » y trouve à redire. En fait, les médias collent aux intérêts des États occidentaux en Ukraine. Comme les gouvernants, ils accordent par avance un brevet de démocratie aux nouvelles autorités que l'Occident a contribué à mettre en selle, oubliant volontairement qu'elles comptent moins sur un soutien populaire que sur des partis d'extrême droite et des milices nationalistes.
Il y a encore un mois, quand la Crimée avait voté son rattachement à la Russie, l'est de l'Ukraine ne semblait pas prendre le même chemin, y compris sa partie la plus liée économiquement et culturellement à la Russie, le Donbass. Mais la mécanique mise en route avec la bénédiction des puissances impérialistes, avec le rejet nationaliste de tout ce qui évoquait les liens de ce pays avec la Russie, ne pouvait que repousser nombre d'habitants de l'est de l'Ukraine.
La discrimination officielle prônée par le nouveau pouvoir à l'encontre de millions de russophones les a jetés dans les bras des milices nationalistes prorusses. Quand l'armée de Kiev, ses hélicoptères de combat, ses blindés et ses supplétifs d'extrême droite ont entrepris de tirer à l'arme lourde contre les civils, le processus s'est accéléré. Ces jours derniers, les 40 morts d'Odessa, brûlés vifs par des nationalistes ukrainiens dans la maison des syndicats, les 21 tués de Marioupol, victimes des forces « anti-terroristes » du pouvoir central, ont certainement convaincu des centaines de milliers d'indécis qu'à Kiev siégeait un pouvoir, non seulement hostile aux russophones, mais décidé à leur faire une guerre sans pitié. Un pouvoir avec lequel, décidément, on ne peut aucunement coexister : c'est cette conviction que reflète le score du référendum du 11 mai.
Cette situation résulte bien moins des arguments qu'auraient déployés les milices prorusses auprès des habitants de l'est de l'Ukraine que d'un engrenage où des nationalismes rivaux ont entrepris d'enrégimenter les populations selon leur langue, leur origine ethnique, pour les dresser contre « ceux d'en-face ».
Il serait vain de se demander si cette machine infernale va déboucher sur une partition de l'Ukraine : elle existe déjà, de fait sinon de droit. Et l'on voit bien comment les États impérialistes l'ont mise en branle et dans quel but : détacher l'Ukraine de la sphère d'influence russe. Peu importe de constater que les mêmes grandes puissances préféreraient sans doute ne pas avoir à faire avec une telle déstabilisation de l'Ukraine. Constatons simplement qu'il aura suffi de quelques mois pour que leurs manœuvres fassent basculer un grand pays industrialisé dans le chaos, en y précipitant des pans entiers de sa population.