Les médecins libéraux protestent contre le projet de loi santé de Marisol Touraine, et tout particulièrement contre la généralisation du tiers payant que le candidat Hollande avait promise. Cette mesure permettrait aux patients de ne plus avoir à payer la consultation au médecin et faciliterait donc l'accès aux soins de tous ceux qui n'ont pas les moyens de faire l'avance. Mais, majoritairement, les médecins généralistes s'y refusent, craignant des retards de paiement par la Sécurité sociale et les mutuelles et aussi un supplément de travail administratif.

Le gouvernement prend ainsi la posture - qui lui est familière - de celui qui souhaite des réformes « de gauche » mais en est empêché par des catégories de la petite bourgeoisie. De surcroît, il tente ainsi de gommer ses responsabilités dans la désorganisation croissante du système de santé et de la médecine de ville.

Celle-ci se manifeste particulièrement dans les services d'urgences pour qui justement, depuis des années, les fêtes de fin d'année sont une période particulièrement dure. De nombreux médecins de ville partent en vacances sans se faire remplacer et les urgences sont alors le seul recours pour les malades, simplement pour voir un médecin. La grève des médecins libéraux va aggraver cette situation en multipliant le nombre des cabinets fermés.

L'association des médecins urgentistes a appelé à une grève, dénonçant des horaires de travail pouvant aller jusqu'à 60 heures par semaine et réclamant des augmentations des primes de nuit. Comme le dit leur porte-parole, ils ne demandent vraiment pas la lune. Des discussions devraient maintenant s'engager, mais il est clair que, même s'ils obtenaient satisfaction, cela ne résoudrait pas le problème du débordement chronique des services d'urgences.

Le système de santé fonctionne de plus en plus mal. En France, on ne forme pas assez de médecins depuis les années 1970 et il en manque maintenant aussi bien en ville qu'à l'hôpital. La politique d'économies voulue par tous les gouvernements successifs a entraîné la fermeture de nombreuses structures de santé : maternités, urgences, hôpitaux... Pour se faire soigner, les patients font maintenant la queue partout ou payent de plus en plus cher.

La loi de Marisol Touraine ne changera pas grand-chose et ne répond en rien à cette situation. À propos des grèves de médecins, la ministre a déclaré que « tout a été fait pour que les patients puissent trouver un médecin aussi bien en ville qu'à l'hôpital », et conseille ensuite de regarder Internet et d'appeler le 15. Cela sonne comme une mauvaise plaisanterie. Tout semble fait pour qu'il y ait des drames durant cette période des fêtes. Aux urgences, les médecins tenteront d'y faire face, même avec les moyens beaucoup trop limités dont ils disposent. Mais la responsabilité de cette situation incombera entièrement à ceux qui, à droite comme à gauche, ont mené le système de santé au bord de l'explosion.