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Leur société
Vu à la télé : quand la course aux dividendes dévore l’emploi
Mardi 3 mars, l’émission d’Élise Lucet, Cash Investigation, était consacrée aux agissements des grosses sociétés et aux fonds d’investissement prédateurs dont l’action consiste à racheter des entreprises, les dépecer et les revendre à bon prix, après avoir licencié les salariés.
Le premier sur la sellette, pour ne pas dire le seul, était Chris Viehbacher, ex-patron du groupe pharmaceutique Sanofi qui a affiché en 2014 plus de 6 milliards de profit et en a distribué la moitié aux actionnaires. Un reportage montrait comment une telle distribution de dividendes se fait au détriment de l’investissement productif, tombé chez Sanofi de 10 % à 2 %. Ainsi, le site de Montpellier, prévu pour recevoir 1 800 salariés, n’en a plus que mille et doit encore en perdre 200. Le trop bien payé Viehbacher – 23 000 euros par jour ! – a ainsi détruit 4 000 emplois.
Et pourtant, ces destructions d’emplois dans une entreprise qui fait des profits considérables n’empêchent pas le gouvernement de lui verser aides et subventions. Au travers du crédit d’impôt recherche et du CICE, Sanofi empoche 136 millions d’aides publiques, de quoi payer les frais de ses plans sociaux en cours.
Élise Lucet interpelle alors Macron, qui fait mine de découvrir l’existence d’un plan social annoncé, « Phoenix », dont parle pourtant la presse, pour finalement déclarer que le gouvernement « ne peut pas interdire à une entreprise de faire des plans sociaux », reprenant une formule déjà entendue dans la bouche de Jospin à propos de Renault Vilvorde, en 1997.
Pierre Gattaz du Medef est interpellé à son tour. Il refuse qu’on taxe les dividendes car on ne touche pas aux actionnaires qui, selon lui, prendraient des risques. Mais l’émission montre que les seuls qui en subissent ensuite, ce sont les travailleurs.
Pages Jaunes est sur la sellette. Cette ex-filiale de France Télécom a été revendue à Goldman Sachs et au fonds d’investissement KKR. Ils ont utilisé l’effet de levier, dit LBO, qui leur permet de ne sortir qu’un quart de la somme nécessaire au rachat et d’emprunter le reste, ce que ces repreneurs remboursent en pompant les bénéfices de l’entreprise. Ensuite, ils revendent avec une coquette plus-value. Ce reportage mettait l’accent sur des méthodes de management qui ressemblaient à l’entraînement des « marines », parfois jusqu’à pousser certains au suicide.
Même système de rachat pour Samsonite, racheté par le fonds Bain Capital, lancé par l’ex-candidat républicain à la présidence américaine Mitt Romney, qui en reste actionnaire. Dans cette opération, Bain Capital était associé à un fonds de pension canadien qui gère les retraites des enseignants.
Cette émission a mis en évidence, avec force, les mécanismes qui, dans cette économie, transforment un travail humain socialement utile en dividendes inutiles pour la collectivité, faisant toucher du doigt que cette course à l’argent écrase des vies et entraîne des catastrophes économiques et sociales à l’échelle d’une région, d’un pays, de la planète. Et cela, sur un ton percutant et sans concessions.