État d’urgence : pour faire taire les voix discordantes25/11/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/11/2469.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

État d’urgence : pour faire taire les voix discordantes

Au lendemain des attentats, le gouvernement a décrété l’état d’urgence. Il s’agit d’impressionner la population, en installant tout un arsenal répressif censé la protéger contre les terroristes. Mais il s’agit aussi, avec cet arsenal, de faire taire toutes les voix dissonantes.

C’est en avril 1955, au début de la guerre d’Algérie, que la loi instaurant l’état d’urgence fut promulguée. Il s’agissait de mettre en place une loi d’exception permettant d’intensifier la répression contre les nationalistes algériens sur le territoire algérien, à une époque où on se refusait à dire qu’il s’agissait d’une guerre et où on parlait des « événements » d’Algérie.

Pendant cette guerre, l’état d’urgence fut promulgué plusieurs fois en métropole, notamment en 1961. C’est alors que Maurice Papon institua le couvre-feu pour les Algériens et que, le 17 octobre à Paris, la police à laquelle il avait donné carte blanche massacra ceux qui s’étaient rassemblés pour une manifestation contre cette institution. Vingt ans plus tard, cette même loi fut utilisée contre les indépendantistes canaques. Enfin il y a dix ans, en novembre 2005, c’est après l’explosion de colère des jeunes dans les banlieues que l’état d’urgence fut à nouveau décrété.

Quand Hollande et son gouvernement remettent aujourd’hui en place l’état d’urgence, ils annoncent donc clairement la couleur.

La loi qui institue l’état d’urgence vise officiellement à « assurer le maintien de l’ordre public et prévenir de nouveaux attentats terroristes ». L’arsenal des mesures peut donc être très étendu.

Des perquisitions dites administratives, c’est-à-dire sans autorisation judicaire, peuvent être menées à toute heure du jour et de la nuit. Des assignations à résidence peuvent aussi être prononcées envers quiconque pour qui il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace ».

Les préfets ont la possibilité d’interdire la circulation des personnes et des véhicules dans des lieux et à des heures fixés par arrêté, et aussi interdire de séjour « toute personne cherchant à entraver l’action des pouvoir publics ».

De même des associations, des groupements peuvent être dissous dès lors qu’ils commettent des actes portant atteinte à l’ordre public ou qui « facilitent cette commission ou y incitent ».

Si la loi de 1955 permettait aux préfets de « prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des émissions radiophoniques », le gouvernement a abrogé cette disposition. Mais qu’on se rassure, le ministre de l’Intérieur conserve les possibilités de contrôle et donc de censure de la presse tant écrite que parlée.

Toutes ces mesures permettront peut-être de prendre dans les filets quelque apprentis-terroristes, mais elles ne protégeront pas réellement contre les attentats, car leur origine est ailleurs. En revanche elles seront, et ont déjà été, un moyen efficace pour faire taire ceux qui ne veulent pas emboucher les mêmes trompettes que le gouvernement.

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