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- Lutte ouvrière n°2484
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Leur société
Loi El Khomri : un Valls à deux temps
Après avoir laissé entendre qu’il pourrait recourir à l’article 49-3 pour faire adopter la loi El Khomri sans débat, Valls se livre maintenant à des contorsions pour montrer qu’il est prêt au dialogue.
Pour faire mine d’être à l’écoute des critiques, Valls a reporté de deux semaines la présentation devant le Conseil des ministres. Puis, flanqué de Macron et d’El Khomri, il a reçu à partir du 7 mars les organisations syndicales et les représentants des entreprises, pour des consultations.
Qu’en ressort-il vraiment ? Macron le pédagogue parle de « la nécessité de s’expliquer » tout en assurant que, bien entendu, « on peut faire évoluer des choses ». Quant à Valls, il utilise un langage plus technique et se dit prêt à « faire bouger quelques curseurs ».
Pour l’un comme pour l’autre, il n’est pas question de remettre en cause ce qu’ils appellent l’esprit de la loi ou sa philosophie, c’est-à-dire le fait de transformer les quatre volontés du patronat en règle s’imposant aux travailleurs.
Du côté des directions syndicales, les attitudes varient. Force Ouvrière et la CGT réclament le retrait de la loi El Khomri, mais leurs dirigeants se montrent bien confus et hésitants dans les appels à la mobilisation. Quant aux syndicats dits réformistes, CFTC, CGC et surtout CFDT, ils se sont félicités de la volonté de concertation du gouvernement. C’est d’ailleurs bien pour gagner l’appui de la CFDT, en particulier, que Valls se déclare aujourd’hui disposé à effectuer quelques retouches dans la loi. Et c’est à cette manœuvre que Berger, le secrétaire de la CFDT, répond en prenant des poses intransigeantes pour déclarer que « le retrait du barème des indemnités prud’homales est une modification incontournable pour la CFDT ». Il va même jusqu’à menacer de « se mobiliser si le gouvernement ne prend pas en compte les modifications en profondeur de la CFDT ».
Valls a bien compris que, pour avoir l’approbation de la CFDT et de quelques autres, il faut leur accorder des concessions symboliques, par exemple sur le barème des indemnités prud’homales. Après quoi les Berger et autres dirigeants syndicaux pourront prétendre s’être battus et avoir obtenu une amélioration de la loi, et les contestataires du PS se déclarer satisfaits d’avoir obtenu, du moins en partie, sa réécriture. Les autres syndicats pourraient alors, de leur côté, justifier leur inaction par le lâchage de la CFDT. Il reste à savoir si une telle mise en scène pourra suffire à enrayer le mouvement de protestation.
Valls voudrait gagner là l’image d’un réformateur moderne, à l’écoute mais intransigeant, et se préparer un avenir politique, avec ou sans Hollande, avec ou sans le PS. Le mieux serait qu’il n’en reste que l’image d’un homme « droit dans ses bottes », un de plus, mais qui a trébuché lamentablement devant la réaction des travailleurs.