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Dans les entreprises
MIN de Rungis : travailleurs sans papiers en grève
Depuis jeudi 16 mars, près de 130 travailleurs sans papiers, en majorité maliens et sénégalais, sont en grève et se sont installés au bâtiment de la Semmaris au Marché d’intérêt national (MIN) de Rungis. Après bien des années à travailler sous une autre identité, ils réclament d’être régularisés, un droit élémentaire pour pouvoir vivre dignement.
Depuis plus d’un an, ces travailleurs en parlaient dans des réunions, épaulés par les militants CGT de l’UL de Rungis et de l’UD du Val-de-Marne. Après bien des discussions, des hésitations, ils ont finalement décidé de réagir collectivement pour leur régularisation, tout en sachant qu’ainsi ils devenaient une cible pour les employeurs. Mais ils en ont assez de cette précarité.
12 000 salariés travaillent au MIN de Rungis, selon la société Semmaris qui en est gestionnaire. Parmi eux, plusieurs centaines sont sans papiers, dont beaucoup d’intérimaires employés par des sociétés comme Derichebourg, Onet, Manpower interim, Link, Abalone, Fruit d’or, Start People, etc. Mais ils sont aussi employés directement par des entreprises plus petites, comme des pizzerias, des brasseries, l’enseigne Flunch. Ce sont des agents de sécurité, des aides à domicile, des éboueurs, des maçons, des plongeurs, des cuisiniers. Ils travaillent, cotisent, alors qu’ils n’ont pas leurs propres papiers. Ils sont victimes de tous les trafics pour en obtenir, sans aucune garantie qu’ils toucheront au final le salaire qu’ils ont gagné en travaillant durement. Beaucoup d’employeurs ferment les yeux sur la situation, pour pouvoir les exploiter au moindre coût et imposer des conditions de travail dégradées. Quant à la régularisation, ce n’est pas leur problème.
Ces travailleurs en sont là à cause des lois, directives, décrets mis en place par les différents gouvernements et qui, sous couvert de faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers, ont aggravé leur situation.
La loi Cazeneuve de 2016, dernière en date, a aggravé la répression contre l’utilisation d’alias, c’est-à-dire l’utilisation par un travailleur sans papiers de ceux d’un travailleur en règle, pour pouvoir travailler. C’est une pratique courante, connue de tout le monde et qui était jusque-là plus ou moins acceptée. Il y a aussi l’obligation de justifier d’un CDI pour avoir une chance que le dossier aboutisse, une exigence scandaleuse alors même qu’un salarié en règle y a de moins en moins accès. Et il faut rappeler que, même si la grève aboutit à obtenir le précieux sésame du Cerfa, c’est-à-dire d’un contrat de travail délivré par un employeur, et qu’ensuite la préfecture valide la délivrance d’un permis de travail, celui-ci ne durera que quelques mois. Si le dossier déposé en préfecture n’est pas validé à temps pour une carte de séjour provisoire, ce sera le retour à la case départ.
Les grévistes, avec le soutien de la CGT 94, sont décidés à tenir le temps qu’il faudra. La présence au rez-de-chaussée de la tour est assurée en permanence. Tout a été mis en place pour se nourrir et y dormir, chacun ayant reçu sa carte de gréviste. Une caisse de solidarité financière se remplit petit à petit.
Depuis le 16 mars, plusieurs rendez-vous ont eu lieu avec le directeur de cabinet du préfet et celui de la Semmaris, ainsi qu’une réunion ministérielle. Cela a débouché sur un rendez-vous lundi 20 mars entre la préfecture, la Direccte, les employeurs concernés, la Semmaris et la délégation qui représente les travailleurs sans papiers en grève. À son issue, il a été convenu par tous les participants que les dossiers soient étudiés très vite par les employeurs, majoritairement des agences d’intérim. En attendant leurs réponses, les grévistes continueront la pression, y compris auprès des petits employeurs directs.
Ces travailleurs veulent vivre dans la dignité, ce n’est que légitime. C’est bien leur lutte qui pourra l’imposer, et elle mérite la solidarité de tous les travailleurs.