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Dans le monde
Qatar et Arabie saoudite : crise entre deux alliés de l’impérialisme
Le 5 juin, l’Arabie saoudite et ses alliés des Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Égypte et le Yémen ont annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar. En lui fermant leurs frontières et en lui interdisant l’accès à leurs espaces aériens et maritimes, ils lui imposent un véritable blocus économique, aux effets d’autant plus sensibles que l’Arabie saoudite constitue la seule voie d’accès au Qatar par les routes terrestres.
La crise diplomatique a commencé après le sommet de Riyad du 21 mai, durant lequel Donald Trump a appelé les pays arabo-musulmans à faire front contre l’Iran et contre l’organisation État islamique (EI). Quelques jours après, l’Arabie saoudite a accusé l’émir du Qatar d’avoir critiqué cette inflexion de la politique à l’égard de l’Iran par les Saoudiens.
Le Qatar se voit aussi accusé de soutenir le terrorisme islamiste. La monarchie qatarie a en effet financé et soutenu les Frères musulmans égyptiens, le Hamas palestinien et des milices djihadistes syriennes. Mais, de son côté, l’Arabie saoudite professe un islam aussi rigoriste que celui de Daech et a soutenu elle aussi, ouvertement ou non, des milices djihadistes qui ont sévi en Syrie ou ailleurs.
En réalité, cette crise est une péripétie dans la longue histoire des rivalités qui opposent régulièrement les puissances de cette région. Fort de sa richesse gazière, le Qatar dispose de moyens financiers pour affirmer une politique indépendante et trouver des alliés face à son puissant voisin saoudien.
Ainsi, dans le conflit actuel, le Qatar a reçu l’appui de l’État iranien, qui lui a envoyé une aide alimentaire et lui a ouvert son espace aérien. Les Qataris ont bénéficié du soutien du président turc Erdogan, qui a annoncé son intention de défendre les « frères et sœurs du Qatar », déclaration suivie du déploiement symbolique de troupes turques sur le territoire qatarien. La Turquie a trouvé ainsi le moyen de revenir dans le jeu diplomatique, à un moment où elle se trouve mise à l’écart des opérations militaires en Syrie.
Les puissances impérialistes doivent composer avec ces rivalités qu’elles ont le plus souvent contribué à alimenter, quand elles ne les ont pas créées, en fonction de leurs intérêts du moment. Les États-Unis semblent aujourd’hui embarrassés par cette crise qui oppose deux de leurs alliés. Le chef de la diplomatie américaine, Rex Tillerson, a appelé l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe à alléger le blocus imposé au Qatar, affirmant qu’il gênait la lutte contre Daech dans la région. En effet le Qatar héberge sur son territoire la base militaire d’al-Udeid, quartier général des forces américaines au Proche-Orient, pièce maîtresse du dispositif des États-Unis au Moyen-Orient, notamment pour intervenir en Irak et Syrie.
Si les États-Unis se comportent en gendarme du monde, une puissance impérialiste mineure comme la France se contente de chercher par quels créneaux défendre les intérêts de ses capitalistes. Mais, comme elle a vendu des armes aux deux camps, elle a bien du mal à déterminer à qui elle doit apporter son appui dans cette nouvelle crise du Golfe. L’appât du gain pourrait tout simplement lui conseiller de continuer à vendre des armes aux deux camps, au nom comme toujours de la défense des valeurs occidentales, au sens propre bien sûr.