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Centrafrique : le résultat de l’intervention française
Depuis le milieu du mois de mai, les massacres se succèdent dans la ville centrafricaine de Bria, située dans une zone riche en mines de diamant. Une dizaine de groupes armés s’affrontent et ont obligé la totalité des 47 000 habitants à quitter leur demeure pour trouver refuge dans les six camps de déplacés qui entourent la ville, plus ou moins protégés par les troupes de l’ONU. On ne compte plus aujourd’hui les villes centrafricaines où la situation est la même.
Lorsque les troupes françaises de l’opération Sangaris ont débarqué à Bangui en décembre 2013, les affrontements mettaient aux prises les bandes armées de la Séléka, qui venaient de s’emparer du pouvoir, et les milices anti-balaka. La Séléka s’en prenait aux populations chrétiennes et les anti-balaka aux musulmans. L’opération Sangaris a duré trois ans, mais elle n’a pas rétabli la sécurité pour la population centrafricaine, bien au contraire. Les deux groupes de combattants initiaux se sont simplement scindés en une multitude de bandes armées, de milices et de groupes d’auto-défense, menés par autant de petits chefs de guerre locaux qui se disputent les richesses du pays et le droit de rançonner la population.
À Bria, ces richesses, ce sont les diamants qui se retrouvent en vente sur Internet ou dans les capitales occidentales. Dans leurs affrontements pour prendre en main le centre-ville, les hommes des différentes milices ont brûlé les maisons, pillé et emporté tout ce qu’ils pouvaient et blessé à la machette les habitants qui ne s’enfuyaient pas assez vite. Un grand nombre ont été tués. Aujourd’hui la ville est hérissée de barrières tenues par les groupes rivaux.
La seule logique dans ces affrontements meurtriers est la prédation. Des bandes de l’ex-Séléka s’affrontent entre elles, s’alliant au besoin à celles des anti-balaka. Les chefs de guerre ne reconnaissent aucune autorité supérieure et rendent dérisoires les tentatives du gouvernement centrafricain de mettre fin au chaos en distribuant des postes aux leaders des principaux mouvements d’opposition. C’est ainsi qu’au moment même où les combats faisaient rage à Bria, le gouvernement central signait avec vingt-trois représentants des groupes politico-militaires un accord proclamant « la mise en place immédiate d’un cessez-le-feu sur toute l’étendue du territoire national ». Cet accord prévoit « la reconnaissance des groupes politico-militaires comme partie prenante de la reconstruction », c’est-à-dire l’accès à la mangeoire gouvernementale pour leurs dirigeants, et « l’insertion des membres des groupes politico-militaires dans les forces de défense », ce qui leur ouvrirait le droit de rançonner légalement la population comme l’ont toujours fait en Centrafrique les « corps habillés ». Mais, manifestement, tous ces chefs de bandes armées préfèrent ne rien partager, ni avec le gouvernement central, ni avec ceux qui ont signé l’accord en leur nom, et restent bien accrochés à leurs mines de diamant.
Le gouvernement français a mis fin en octobre 2016 à l’opération Sangaris, qui a vu jusqu’à 2 000 militaires intervenir dans le pays. Même si certaines troupes françaises sont restées sur place pour préserver les possibilités d’un retour, la plus grande partie est sortie de ce bourbier où elle a laissé s’enliser les troupes africaines ou pakistanaises de l’ONU, qui assistent aujourd’hui aux massacres sans rien faire.
Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense de François Hollande, déclarait lors du départ de l’armée française que l’intervention militaire avait permis de « mettre fin au chaos ». On voit aujourd’hui ce qu’il en est. Mais la sécurité de la population centrafricaine n’a jamais été l’objectif du gouvernement. Il s’agissait simplement de rétablir un régime ami de l’impérialisme français, quitte à ce qu’il n’ait aucun pouvoir réel en dehors du palais présidentiel.