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Zimbabwe : Mugabe poussé vers la sortie
Mugabe, le président du Zimbabwe, a fini par démissionner. Une partie de l’armée avait pris le contrôle d’Harare, la capitale, et arrêté plusieurs membres de son entourage. Il avait alors vu ses soutiens l’abandonner les uns après les autres, jusqu’au parti dont il était le fondateur, le Zanu‑PF, qui menaçait de le destituer et avait exclu son épouse, Grace. Mugabe voulait la désigner pour lui succéder, provoquant le mécontentement des clans qui espéraient recueillir l’héritage.
Le règne de Mugabe avait commencé avec l’indépendance en 1980. Ancienne colonie anglaise de Rhodésie du Sud, ce qui est aujourd’hui le Zimbabwe avait vu en 1965 la minorité blanche se rebeller contre la Grande-Bretagne et instaurer un régime de ségrégation raciale dirigé par Ian Smith. Mugabe prit la tête d’une des guérillas nationalistes qui l’affrontaient, le Zanu (Union nationale africaine du Zimbabwe), et finit par conclure en 1980 un règlement politique sous l’égide de l’ancienne puissance colonisatrice. La Rhodésie du Sud devint donc indépendante sous le nom de Zimbabwe, avec Mugabe à sa tête.
Cet accord maintenait en place le noyau raciste de l’armée et de la police, et faisait une large place aux responsables de l’ancien régime, à commencer par Ian Smith. Il présentait toutes les garanties que les intérêts de l’impérialisme britannique seraient préservés. Compréhensif avec ses anciens ennemis, Mugabe se montra par contre dès son arrivée au pouvoir impitoyable avec les travailleurs, réprimant sauvagement une vague de grèves.
Pendant près de deux décennies, il fut le bon élève de l’impérialisme dans cette partie de l’Afrique, mettant en œuvre, à partir des années 1990, les privatisations et les coupes dans les services publics imposées par le FMI.
Finalement, pour redorer son blason face à la montée du mécontentement, Mugabe appuya officiellement les occupations, par des paysans pauvres noirs, des terres appartenant à de riches fermiers blancs. Alors que 70 000 Blancs, formant 0,6 % de la population, se partageaient 70 % des terres cultivables, l’écrasante majorité de la population noire rurale n’avait pas de terre ou devait survivre sur des parcelles minuscules. Mugabe fit saisir par la force près de 6 000 fermes, épargnant souvent les plus riches. Mais, alors que les anciens propriétaires bénéficiaient de capitaux, de débouchés et pouvaient investir dans des techniques modernes, les nouveaux exploitants n’avaient rien de tout cela, d’autant que Mugabe redistribua souvent les meilleures terres à ses obligés.
Cela suffit en tout cas pour que les grandes puissances mettent Mugabe à l’index. En 2002, Bush fils ajouta le Zimbabwe à la liste des États voyous et les sanctions économiques commencèrent, gelant une partie des avoirs du pays dans les banques occidentales et tarissant les sources de devises.
Depuis, Mugabe a accepté de nouveaux plans du FMI mais l’embargo a été pour l’essentiel maintenu, s’ajoutant à la crise de 2008 et à l’effondrement du cours des matières premières pour provoquer un effondrement économique que la population pauvre subit de plein fouet.
Le taux de chômage dépasse aujourd’hui les 80 %. Un tiers de la population vit de l’aide alimentaire. La production agricole s’est effondrée. Dans bien des régions, la famine est revenue, au moins par intermittence, aggravée par les sècheresses. Si les prix ne s’envolent plus comme en 2008-2009, où l’inflation avait atteint des millions de pour cent par an, forçant alors le gouvernement à abandonner la monnaie nationale au profit du dollar américain et du rand sud-africain, le coût de la vie ne cesse d’augmenter pour les classes pauvres. L’argent en circulation est si rare que le gouvernement a imposé pour les particuliers une limitation des retraits bancaires à 20 dollars par jour. Les difficultés du pouvoir à payer militaires et fonctionnaires ne sont d’ailleurs sans doute pas pour rien dans leur mécontentement.
En tout cas, le rejet de Mugabe semble grand dans la population, si l’on en juge par le succès de la manifestation appelée le 18 novembre par les militaires.
Si les classes pauvres ont bien des raisons de rejeter Mugabe, elles n’ont rien à attendre de ses éventuels remplaçants. La fronde semble avoir été téléguidée par Emmerson Mnangagwa, destitué la semaine précédente de son poste de vice-président par Grace Mugabe, et désigné, le jour de l’exclusion de cette dernière du parti au pouvoir, candidat de celui-ci à la future élection présidentielle. Fidèle de Mugabe jusque récemment, il avait été accusé lors des élections de 2008 d’avoir organisé la chasse et le meurtre de nombreux opposants, lui permettant ainsi d’être réélu. Quant à Morgan Tsvangirai, l’autre opposant en titre, il a été Premier ministre de Mugabe entre 2009 et 2013.
C’est dire que, pour se protéger de la catastrophe économique qu’elles subissent, les classes populaires ne peuvent compter que sur elles-mêmes et sur leur mobilisation.