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- Lutte ouvrière n°2601
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Editorial
Les travailleurs ont les moyens de faire reculer gouvernement et patronat
Les salariés de Carrefour étaient appelés à la grève lundi 4 juin. 2 100 travailleurs risquent de perdre leur emploi après la décision du groupe de se débarrasser de 273 magasins de proximité. Carrefour a réalisé plus de 700 millions de bénéfices, dont près de la moitié va dans les poches des actionnaires.
Pour la famille Moulin, une des grandes fortunes du pays, qui possède plus de 10 % du capital, ou pour le milliardaire Bernard Arnault, qui en détient 8 %, ça ne suffit pas. C’est en taillant dans les emplois que Carrefour garantit les profits financiers plus élevés des actionnaires. Et c’est le même scénario partout : c’est le niveau de rentabilité attendu par la bourgeoisie qui décide de notre avenir. Malgré la crise de leur système, quels que soient la conjoncture ou le taux de croissance de leur économie, les capitalistes continuent à engranger des milliards qui viennent du recul de nos conditions de vie et de travail.
Au gouvernement, on nous dit que tout le monde a sa chance. La réforme des retraites que Macron prépare nous est présentée comme un pas vers l’égalité et la liberté. Pensez donc, avec son régime à points, chaque euro cotisé donnerait une valeur identique pour la retraite…. et tant pis si les salaires – et donc les euros cotisés – ne sont, eux, pas du tout identiques ! Et puis arrivé à l’âge légal de départ, chaque salarié pourrait choisir de prendre ou non sa retraite, en fonction « d’arbitrages personnels ». Comme s’il s’agissait d’un choix pour les plus mal payés !
Les hauts dirigeants de Carrefour, qui se sont voté une augmentation de près de 80 %, les PDG munis de parachutes dorés et autres bonus en actions ne s’angoissent pas sur le nombre de trimestres validés pour leur pension ! Mais, du côté des travailleurs, où est la liberté ?
Où est la liberté des travailleurs de Carrefour qui ne savent pas s’ils auront encore un salaire le mois prochain ? Où est la liberté des ouvriers de plus de 50 ans, cassés par le travail, qui risquent d’enchaîner des années de chômage et de minima sociaux avec une retraite de misère ?
Parler de choix personnels pour la retraite, c’est un mensonge odieux de plus. Les travailleurs ne seront pas plus libres de choisir au moment de la retraite qu’ils ne le sont dans le choix d’un travail, du quartier où vivre, du logement qu’ils peuvent payer ou des études auxquelles ils ont accès. Dans les quartiers populaires, on vit sous la dictature des fins de mois impossibles à boucler.
Cette dictature du grand capital est orchestrée par le gouvernement. Comme ses prédécesseurs, Macron est à plat ventre devant ses exigences. Après le Code du travail, les mesures envisagées sur la retraite s’inscrivent dans la même offensive contre les travailleurs. Avec cette réforme, Macron voudrait faire passer en douce le nivellement par le bas, la baisse des pensions et le recul de l’âge de départ en retraite.
La réforme de la SNCF va dans le même sens. Pour Macron, il s’agit de faire la démonstration qu’il peut imposer aux cheminots, comme à tous les travailleurs, le recul de leurs conditions de vie et de travail.
Les médias, inspirés par les compétitions sportives du moment, parlent du match entre les cheminots et Macron et se demandent qui va remporter la première manche.
Mais refuser d’accepter la précarité pour les futurs embauchés, la perte de droits, se battre pour son salaire, pour ses conditions de travail, ce n’est pas un jeu. Pour les cheminots, pour les travailleurs de Carrefour, pour l’ensemble du monde du travail, c’est une question de survie. Et si les cheminots ne peuvent pas, à eux seuls, faire reculer la bourgeoisie, en engageant le combat, ils ont quand même déjà remporté une victoire.
La guerre de classe n’est pas le produit de la volonté malfaisante de Macron, tout odieux soit-il. Elle est menée en permanence par les capitalistes qui dominent cette société. Tant qu’ils auront le sentiment de pouvoir continuer, tant que leur emprise sur l’économie ne sera pas remise en cause, la machine à broyer nos conditions de vie et de travail ira de l’avant.
Sous le règne capitaliste, la lutte pour nos conditions d’existence est une bataille permanente. Mais nous avons les moyens de contester ce règne. Car c’est notre travail qui fait fonctionner toute la société et qui alimente la pompe à profits de la bourgeoisie. En ripostant avec nos moyens, par la grève et les manifestations, par des occupations d’usine comme en juin 1936, nous pouvons menacer sa domination. C’est en lui faisant peur de tout perdre que nous obligerons la classe capitaliste à reculer.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 4 juin 2018