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Leur société
Baisse des récoltes : les spéculateurs vont se faire du blé
Avec la sécheresse, c’est l’ensemble des productions agricoles qui souffrent dans une grande partie de l’Europe. Les fortes chaleurs et l’absence prolongée de pluie ont engendré partout un dessèchement des sols : tournesols flétris sur pied, champs de maïs brûlés, bétail épuisé.
Les récoltes en pâtissent, même si c’est inégalement selon les régions du monde. Pour la récolte de blé qui est terminée en France, les céréaliers s’en tirent bien, avec une production dans la moyenne des dernières années et des grains de bonne qualité. Par contre en Pologne, dans les pays Baltes, en Allemagne, les silos vont rester en partie vides. La Suède a vu sa production divisée par deux. Plus à l’est, en Russie, premier pays exportateur de blé l’an dernier, la récolte devrait être de 20 % inférieure. Et l’on s’inquiète maintenant au sujet de la récolte aux États-Unis, et en Australie à la fin de l’année. Dans tous les cas la production mondiale de blé devrait être inférieure aux besoins, obligeant à puiser dans les réserves des dernières années.
Mais cette baisse des récoltes mondiales n’est pas un problème pour tout le monde. Elle s’accompagne d’une montée des prix, qui a tendance à s’accélérer ces derniers temps sur les marchés internationaux. Le cours de la tonne de blé sur le marché européen dépasse les 200 euros. Le prix du blé a augmenté de 32 % à la Bourse de Chicago depuis le début de l’année, et même de plus de 3 % en une seule journée, lundi 6 août.
Si les céréaliers des pays en partie épargnés par la sécheresse s’en réjouissent, ce sont surtout les spéculateurs qui se ruent désormais sur les actions des marchés à terme. Le magazine Capital titrait récemment pour conseiller les boursicoteurs sur la marche à suivre : « La flambée des prix devrait se poursuivre, voici comment en profiter ». Et personne ne sait où cela va s’arrêter. Les prix étaient ainsi montés à plus de 300 dollars la tonne en 2010. Si les gros négociants et les traders les mieux informés vont en tirer à nouveau des fortunes colossales, à l’autre bout de la chaîne, c’est une nouvelle catastrophe qui se met en place.
En Afrique subsaharienne, la sécheresse est arrivée en pleine période de soudure, au moment où l’ancienne récolte est épuisée et où la nouvelle n’est pas encore disponible. Et surtout, les prix du blé ou des produits alimentaires vont rapidement flamber, aggravant la disette, voire provoquant la famine. La vague de spéculation sur les céréales va avoir des conséquences dramatiques, alors que les gouvernements de ces pays ont réduit, voire supprimé, les subventions sur les prix du pain et des aliments de base. C’est ce qui avait été à l’origine d’une flambée d’émeutes de la faim en 2007-2008.
Ce n’est ici ni la faiblesse des moyens agricoles, qui permettraient de nourrir une humanité bien plus nombreuse, ni les contraintes du climat qui sont la cause des problèmes alimentaires actuels. Mais c’est la folie d’un système économique où toute production est objet d’une spéculation permanente.
Les possesseurs de capitaux font feu de tout bois et peuvent s’enrichir en spéculant sur la baisse de la production d’une céréale qui est à la base de l’alimentation de la majorité de l’humanité. Quelle importance pour eux si leur fortune indécente se fait au prix de la condamnation des populations des pays pauvres à l’angoisse permanente de ne pas pouvoir se nourrir, quand ce n’est pas à une mort à petit feu ?