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Dans les entreprises
Nestlé-Froneri – Beauvais : les travailleurs obligent le patron à payer
Le 10 octobre, la direction de Nestlé-Froneri de Beauvais, dans l’Oise, annonçait, au détour d’une réunion de comité d’entreprise, la fermeture de l’usine pour le 15 mars 2019 : 240 salariés de la production, 87 du centre de recherche et plusieurs dizaines d’intérimaires et de prestataires seraient ainsi froidement jetés sur le carreau !
Pour mettre toutes les chances de son côté, la direction a annoncé son plan en pleine période de basse production, entre des semaines gelées, des reliquats de congés à écluser et une fermeture annuelle de l’usine prévue du 6 décembre au début du mois de janvier.
« Nestlé nous a lâchés, Nestlé doit payer », tel a été le sentiment général. Du côté de l’usine, les premières actions ont démarré rapidement, avec barrages filtrants devant celle-ci, distribution de tracts sur le marché et organisation d’un déplacement en car au siège de Nestlé à Noisiel en Seine-et-Marne. Enfin, pendant une semaine, on a pu découvrir sur l’avenue voisine une publicité lumineuse achetée par le CE du centre de recherches : « Nestlé-Froneri détruit 317 emplois » .
Un débrayage unanime a inauguré la première séance de négociation, avec une haie d’honneur applaudissant les délégués, des visages fermés pour les membres de la direction. Au fur et à mesure qu’il était clair que celle-ci ne voulait rien lâcher, la colère a monté d’un cran. Un ancien de l’entreprise ayant réalisé une affichette, des équipes d’ouvriers s’en sont rapidement emparés pour la distribuer aux ronds-points, l’afficher en ville et la glisser dans les coffres de congélation des supermarchés de la région vendant des bûches glacées Nestlé.
Jeudi 29 novembre, l’équipe de nuit a déclenché la grève et le blocage de l’entrée de l’usine. On venait d’apprendre que la direction s’apprêtait à vider l’entrepôt, avec 400 palettes de bûches et 4 000 palettes d’autres produits (à 1 000 euros la palette). Et depuis, par roulement, les ouvriers ont bloqué l’entrée de l’usine, avec barbecue et feu de palettes (venues de l’usine voisine Agco-Massey et des magasins de bricolage du coin). Certains grévistes partageaient leur temps entre l’usine et le rond-point voisin des gilets jaunes, leur apportant du café pour les uns, venant avec un gilet jaune « Nestlé m’a tuer » pour d’autres. Cela ne manquait pas d’inquiéter les autorités locales, qui se demandaient s’ils n’allaient pas fusionner avec les gilets jaunes…
Enfin, mercredi 5 décembre, un groupe d’ouvriers a envahi la négociation marathon, apostrophant la direction : « Maintenant ça suffit, il faut payer ». « Si ça continue, on va chercher les gilets jaunes ! » Cela a décidé Nestlé à céder, par-dessus la tête de la direction locale. La peur de ternir son image, la crainte de la contagion avec les gilets jaunes, ont fait pencher la balance.
Une centaine d’anciens de plus de 56 ans partiront donc avec une garantie de revenu jusqu’à la retraite. Une autre centaine ont droit à une prime extralégale de 70 000 euros. Des sommes moins importantes sont versées aux plus jeunes embauchés, tandis que des congés de conversion seront payés par l’entreprise.
La présentation des résultats devant tout le personnel a déclenché des applaudissements ainsi que des larmes de joie pour avoir osé affronter Nestlé et, avec le concours imprévu des gilets jaunes, avoir réussi à le faire payer !
Maintenir les salaires des quelque 500 personnes, embauchés, prestataires, intérimaires, concernés par la fermeture de l’usine – ou même renoncer à cette fermeture – aurait coûté 0,025 % du bénéfice annuel de la multinationale. Nestlé peut et doit payer, et bien au-delà de ce qu’il s’est senti obligé de concéder. Car, au nom des sacro-saints dividendes de ses actionnaires, ce sont bel et bien 500 emplois de plus qui sont sacrifiés.