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Leur société
Pesticides : l’impasse de l’agriculture capitaliste
Le 9 septembre, le gouvernement a mis en ligne pour consultation le décret sur les distances de sécurité entre les lieux d’habitation et les champs traités par pesticides.
Le décret avait été préparé à partir des recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses. Il préconise des distances de cinq et dix mètres, suivant la dangerosité du produit et la hauteur de pulvérisation, sachant que l’opération est de toute façon interdite quand le vent souffle. L’Anses et le décret recommandent en outre que les agriculteurs, les élus et les riverains puissent s’entendre localement, ce qui s’avère pour le moins délicat.
Les maires qui ont pris des arrêtés portant la distance de sécurité à 150 mètres ont immédiatement suscité une levée de boucliers des représentants des agriculteurs, et le gouvernement a fait casser ces arrêtés. Les dangers des pesticides sont pourtant bien connus, avant tout par le million de travailleurs des champs, des vignes, des vergers et des cultures où ces produits sont épandus par dizaines de milliers de tonnes chaque année.
La responsable de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, proteste en évoquant le manque à gagner insupportable pour les agriculteurs. Elle prétend que ceux qui critiquent les pesticides n’ont jamais vu un pulvérisateur. Ce n’est certainement pas le cas des dizaines d’agriculteurs qui se sont constitués en association de victimes des pesticides, de ceux qui sont décédés, de ceux qui sont en procès contre Monsanto et Bayer. En revanche, c’est très probablement le cas des capitalistes de l’agriculture, des directeurs du Crédit agricole, des actionnaires de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, qui ont fait naître et rendu obligatoire ce type d’agriculture. Pour ceux-là, les pulvérisateurs, les pesticides, ceux qui les utilisent et en meurent parfois, comme ceux qui les inhalent par proximité, ne représentent que des lignes dans les livres de comptes. Ce n’est pas tant la distance de sécurité qui est en cause que l’utilisation même des pesticides et, au-delà, le point où en est arrivé l’agriculture capitaliste, qui détruit la terre et les travailleurs, seules sources de richesse, tout en restant incapable de nourrir l’humanité.
Sans doute bien des agriculteurs petits et moyens approuvent les arguments de la FNSEA sur le manque à gagner. En fait, ils sont prêts à prendre le risque de tomber malade, ou le nient, parce qu’ils ne voient pas comment gérer autrement leur exploitation, parce qu’ils sont dans l’entonnoir de la dette et doivent passer par là où banquiers, fournisseurs et acheteurs le veulent. Les salariés n’ont, eux, pas le choix et doivent s’exposer, avec ou sans protection, à des produits dangereux. Les riverains, et certains élus, voudraient bien dire leur mot sur les pesticides, mais l’État le leur a refusé, en s’alignant sur les capitalistes du secteur. La préconisation par décret d’une distance de 5 et 10 mètres est très exactement celle inscrite sur les emballages des produits.
Politiquement, le gouvernement se retrouve coincé entre la défense des intérêts des plus riches, son cœur de métier, et les besoins de sa propagande électorale récemment verdie, son nouvel argument de vente. D’où la mise en ligne du décret et la possibilité, pour tout un chacun et pendant trois semaines, de déposer sa contribution. Macron et ses ministres n’ont évidemment pas l’intention, quel que soit le résultat de la consultation, de changer leur politique. Tout au plus espèrent-ils que d’ici là les dangers de l’épandage de pesticides seront sortis de l’actualité.