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Dans le monde
Irak : colère populaire contre la corruption
Mardi 29 octobre, les forces de répression irakiennes ont tiré sur des manifestants à Bassorah, dans le sud du pays, tuant 14 personnes et en blessant des dizaines d’autres. On compterait désormais près de trois cents morts et plus de 8 000 blessés depuis que le mouvement a commencé, au début du mois d’octobre.
Des centaines de milliers de manifestants, surtout des jeunes, descendent dans les rues de toutes les villes d’Irak et bravent les matraques et les snipers, pour exiger du travail, la fin de la corruption, le départ des ministres et politiciens voleurs, et des services publics dignes de ce nom. De l’aveu même de l’administration, 410 milliards de dollars, revenus du pétrole et crédits internationaux mêlés, ont été détournés par les corrompus du régime installé en 2003 par les États-Unis. « Avant nous avions un seul Saddam, maintenant nous en avons tout un Parlement », a déclaré un manifestant.
Après avoir envahi le pays et renversé le régime de Saddam Hussein, l’impérialisme américain lui a dicté sa Constitution. L’Irak est désormais dirigé par une coalition de partis et de milices, constitués sur des bases mêlant en proportion variée les appartenances religieuses et ethniques, famille médiévale ou simple mafia. Les groupes les plus forts s’appuient en outre sur les puissances qui se disputent l’Irak : les États-Unis et l’Iran, au premier chef, mais aussi l’Arabie saoudite et la Turquie. Chaque parti ou groupe a la possibilité d’entretenir une clientèle, ne serait-ce qu’en embauchant des chômeurs dans sa milice, dont les salaires sont versés par l’État.
Il n’y a donc qu’un semblant d’État, incapable de reconstruire un pays dévasté par la guerre, incapable même de résister à Daesh sans l’aide des États-Unis et de l’Iran. L’administration sert de paravent à des cliques aussi corrompues que clientélistes, qui détournent à leur profit les fonds et commandes publics.
Les plus hauts fonctionnaires et les plus riches vivent dans la zone verte de Bagdad, au côté des Américains et protégés par eux. C’est là que sont engloutis les revenus du pétrole, dont l’Irak détient de considérables réserves.
Les cliques au pouvoir ont toutes commencé par condamner le mouvement et par utiliser la répression. Des manifestants ayant menacé leurs avoirs et leurs représentants, les milices des barons locaux n’ont pas hésité à tirer dans la foule dans plusieurs villes. Le fait que les manifestations concernent tout le pays, que dans chaque grande ville les manifestants demandent des comptes à « leurs » représentants, montre que le mouvement dépasse les clivages entre religions, sectes et ethnies.
Le gouvernement central a fini par jeter du lest, parlant de supprimer les primes des plus hauts fonctionnaires, donnant les noms de mille petits corrompus et promettant de révéler ceux des gros poissons.
Dans le même temps, l’armée imposait le couvre-feu et faisait dégager les places occupées par les manifestants. Par ailleurs, le parti de la famille al-Sadr, principal parti chiite et plus gros groupe au Parlement, tente désormais de prendre en marche le train de la contestation.
Les manifestants vont devoir affronter à la fois la répression et les mensonges de ceux qui cherchent à exploiter la colère populaire à leur profit.