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Editorial
La course au profit, un virus mortel
Il n’aura pas fallu longtemps pour que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, se précipite au chevet des entreprises confrontées aux conséquences économiques du coronavirus.
Lundi 9 mars, il a rendu public un plan d’action applicable sans délai. Parmi les mesures spectaculaires, le gouvernement autorise toutes les entreprises qui s’estiment mises en difficulté par la crise à demander un report de leurs charges sociales et fiscales, « par simple mail ou un coup de téléphone » a précisé le ministre. Le soir même, Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État au Commerce précisait sur RTL que la suppression définitive de ces impôts ou de ces cotisations reportées n’était pas exclue.
Sans délai et sans la moindre vérification, toutes les entreprises, les petites comme les grosses, vont profiter de ces facilités de trésorerie.
Au personnel des hôpitaux, aux salariés des transports publics, à tous ceux qui continuent à faire marcher la société malgré l’épidémie, le gouvernement demande du dévouement et du civisme. Les salariés peuvent être sommés par leurs patrons de poser des jours de congés. Ils sont placés en chômage partiel ou carrément licenciés s’ils travaillent en intérim ou en contrat précaire. Un travailleur qui perd son emploi, à cause du coronavirus ou pour n’importe quelle autre raison, doit continuer à payer son loyer ou ses crédits sans délai ni souplesse. Ni en le demandant par mail, ni après de nombreuses démarches administratives, l’État n’annulera sa dette. Et pourtant, combien de travailleurs, dans l’incapacité de payer un logement, se sont retrouvés à la rue après un licenciement ? Les nouvelles mesures concernant l’indemnisation du chômage, qui doivent entrer en application le 1er avril, s’ajouteront à tout ce contexte pour jeter dans la misère des milliers de chômeurs.
Vis-à-vis du patronat, le gouvernement n’envisage pas d’appel au civisme ni à l’esprit de sacrifice. Les patrons ont droit sans formalités à des exonérations, à des crédits à taux quasiment nuls de la BPI, la Banque publique d’investissement, à une augmentation de l’indemnité horaire destinée à compenser le chômage partiel. Ainsi, celle-ci passera de 7,74 à 8,04 euros.
Autrement dit, l’État paiera à la place des patrons le salaire des travailleurs au smic.
Et ce n’est qu’un début. S’il se confirme que le coronavirus déclenche une récession, voire une crise du système financier comme lors de la crise des subprimes en 2008, les États et les banques centrales sont prêts à voler au secours des capitalistes sans aucune assurance que cette crise ne plonge pas les travailleurs du monde entier dans une misère noire et une série de catastrophes, comme après celle de 2008. Pour l’heure, la tentative de sauvetage a commencé. Le 3 mars, la Fed, la banque fédérale américaine, a baissé en urgence ses taux d’intérêts. Christine Lagarde, nouvelle présidente de la Banque centrale européenne, après avoir été celle du FMI, devait annoncer jeudi 12 mars une série de mesures « pour encourager les banques à prêter de l’argent aux PME ». Cela annonce en fait que les banques seront arrosées sans limite par le biais d’émissions de monnaie qui viendront alimenter la spéculation.
Comme en 2008, Le Maire, Lagarde, Macron et leurs homologues du monde entier présenteront ensuite la note aux classes populaires auxquelles ils demanderont de rembourser leur dette.
Avant même de déclencher une nouvelle crise économique, l’épidémie révèle l’égoïsme sans frein de la classe possédante, sa voracité et les risques qu’elle fait courir à toute la société. Même si l’épidémie actuelle ne suffisait pas à déclencher une crise catastrophique, elle montre à quel point la menace pèse sur la société. Car elle ne tient pas au virus mais au capitalisme même, à son organisation sociale absurde et criminelle.