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Dans les entreprises
Chantiers de l’Atlantique : qu’importe le patron pourvu qu’on ait l’emploi
Le feuilleton du rachat des Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire par l’italien Fincantieri a pris fin, comme attendu, le 31 janvier. Ce rachat n’aura pas lieu.
C’est peu dire que ces péripéties financières n’ont pas trouvé beaucoup d’échos parmi les salariés de l’entreprise. En revanche, du côté des politiciens, cela a été l’occasion d’un déferlement nationaliste. Du Rassemblement national à la France insoumise, en passant par le PS, le PC ou LR, tous ont tenu des discours sur la nécessité de garder « ce fleuron de l’industrie française », comme ils disent, hors de portée d’un concurrent italien suspecté de vouloir brader le « savoir-faire local » à la Chine. Le maire (PS) de Saint-Nazaire s’est même fendu d’un texte commun avec la présidente (LR) du conseil régional pour défendre, contre la concurrence étrangère, « le cœur battant et l’identité de tout un territoire, un bout de la France connu dans le monde entier comme leader mondial de son secteur, un enjeu de souveraineté ».
Les syndicats CGC, FO et CFDT ont repris ces discours sur l’indépendance nationale et la dangerosité de la concurrence italo-chinoise, sans jamais discuter de la situation actuelle des 8 000 salariés qui travaillent sur le site. Rappelons que seulement 3 000 travailleurs sont embauchés directement par les Chantiers ; les autres travaillent pour des entreprises sous-traitantes, avec tous les statuts possibles… et viennent de toute l’Europe ou de plus loin encore.
Depuis 2018, l’État français est actionnaire majoritaire des Chantiers. Cette nationalisation, présentée comme temporaire, devait permettre de donner du temps pour que l’accord avec Fincantieri soit finalisé. Après l’abandon de Fincantieri, le PC demande le maintien de la nationalisation, quand la France insoumise plaide pour l’entrée de la région au capital de l’entreprise.
De fait, cette entreprise qui, officiellement, ne fait quasiment pas de bénéfices est entre les mains des armateurs qui passent les commandes et des banquiers, qui en assurent le financement. Quant à sa direction opérationnelle, elle est restée stable, quels qu’aient été les propriétaires en titre de l’entreprise, français jusqu’en 2006, norvégien jusqu’en 2008, ou coréen jusqu’en 2018.
Cette continuité du management signifie pour les travailleurs la continuité de la dégradation des conditions de travail. La dernière en date des mesures prises par la direction contre les ouvriers – et contre eux seulement, à l’exclusion des techniciens et employés – est l’instauration d’une prime de présentéisme de 700 euros sur sept mois. Celle-ci diminue à la moindre absence, qu’elle soit motivée médicalement ou non, due à un accident du travail, ou encore à la participation à des heures d’information syndicale, à des débrayages et des grèves, etc.
En pleine pandémie, cela signifie qu’un travailleur cas contact qui voudrait s’isoler pour respecter les consignes sanitaires le paierait sur son bulletin de salaire ! Même entre les mains de l’État, l’entreprise reste obnubilée par la nécessité de satisfaire les appétits de ses donneurs d’ordres de la banque ou de la croisière.
Aux Chantiers, comme ailleurs, le problème n’est pas la nationalité du propriétaire, mais le rapport de force que les travailleurs sont capables d’instaurer pour faire prévaloir leurs intérêts sur les appétits de tous ceux qui s’enrichissent sur leur dos.