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Congo-Brazzaville : Sassou-Nguesso, gardien des intérêts pétroliers français
Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir depuis 36 ans au Congo-Brazzaville, a été réélu avec plus de 88 % des voix. Ce résultat était joué d’avance, dans un pays où les principaux opposants sont en prison et où personne ne peut s’exprimer librement.
Sassou-Nguesso est l’un des plus anciens piliers de l’impérialisme français en Afrique, et l’homme de la compagnie pétrolière Total, jadis Elf-Aquitaine. Parachutiste, ancien lieutenant de l’école d’infanterie française de Saint-Maixent, il se hissa à la faveur d’une mutinerie au rang de ministre dans ce qui était alors la République populaire du Congo, un régime où les drapeaux rouges déployés dans les rues et les liens avec les régimes d’Europe de l’Est et la Chine n’empêchaient pas les rapports privilégiés avec Elf-Aquitaine, ni d’ailleurs l’oppression de la population. Sassou-Nguesso, grand ami d’Albin Chalandon, alors président de cette compagnie, était l’homme à travers lequel passaient ces liens.
Arrivé à la présidence en 1979, il laissa à Elf la mainmise sur la quasi-totalité du pétrole découvert dans les eaux congolaises, suivant en cela l’exemple de son voisin Omar Bongo au Gabon. Mais, en 1992, il ne recueillit que 16 % des voix aux présidentielles et arriva troisième derrière Pascal Lissouba et Pascal Kolélas. Elf craignait de se voir évincé en même temps que son poulain, d’autant plus que Lissouba, devenu président, avait le mauvais goût de se tourner vers une compagnie américaine. La compagnie alimenta alors une des plus sanglantes guerres civiles qu’ait connues l’Afrique.
Les milices des trois adversaires, Sassou Nguesso, Lissouba et Kolélas, respectivement surnommées les cobras, les zoulous et les ninjas, s’affrontèrent d’abord dans la capitale Brazzaville, puis dans tout le pays. Elf ne pouvait être que vainqueur, puisque la compagnie armait les trois camps. Finalement, elle et les dirigeants français firent pencher la balance en faveur de Sassou-Nguesso. Des mercenaires français intervinrent à ses côtés, ainsi que des soldats du dictateur tchadien Idriss Deby et des débris de l’armée vaincue du régime génocidaire rwandais. L’armée angolaise entra aussi dans le conflit et toutes ces troupes, financées par les caisses noires d’Elf, remirent Sassou-Nguesso au pouvoir en 1997.
Pendant ces années de guerre, Brazzaville fut en grande partie détruite et 400 000 personnes perdirent la vie. Les bandes armées issues de ce conflit allaient continuer pendant des années à semer la terreur dans certaines régions.
Aujourd’hui, Total est toujours de loin le premier producteur de pétrole au Congo, et les marchés des champs pétroliers découverts ou renouvelés sont toujours arbitrés en sa faveur. La famille et le clan de Denis Sassou-Nguesso en profitent largement. Plusieurs de ses membres, dont le fils du président, sont visés par l’enquête sur les « biens mal acquis » concernant les circuits opaques qui font passer l’argent du pétrole dans leurs poches en transitant par des paradis fiscaux.
Quant à la population, une grande partie végète dans la misère. Des retraités doivent vivre sans ressources, les pensions de certains d’entre eux n’étant pas été payées depuis 18 trimestres, alors que la famille du président se paye palaces sur la Côte d’Azur et voitures de luxe.
Tout cela convient parfaitement aux dirigeants français, aujourd’hui comme hier, puisque cela convient à Total.