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Migrants : les États européens tuent à leurs frontières
Selon plusieurs associations, le nombre de migrants morts en 2021 en tentant de rejoindre l’Europe a atteint un sinistre record.
Selon l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), 1 500 personnes ont disparu cette année et, depuis 2014, 20 000 y ont laissé la vie. Selon cette agence de l’ONU, 2021 a été l’année la plus meurtrière depuis 1997, et ses estimations semblent même bien inférieures à la réalité.
Ainsi une ONG espagnole, Caminando Fronteras, vient d’estimer qu’en 2021 plus de 4 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne, deux fois plus qu’en 2020. Ce chiffre, qui inclut les tentatives de traversée par l’Atlantique, est quatre fois supérieur à celui de l’OIM. 94 % des corps n’ayant pas été retrouvés, l’ONG base ses chiffres sur les appels de migrants ou de leurs proches sur ses numéros d’urgence.
L’explosion du nombre de morts est essentiellement due à la multiplication des barrières qui contraignent les migrants à prendre des routes maritimes ou terrestres de plus en plus périlleuses. Ainsi, en raison des contrôles de plus en plus drastiques en Méditerranée, la plupart des migrants à destination de l’Espagne ont tenté de rejoindre les Canaries, à plus de 150 km des côtes d’Afrique de l’Ouest, une route maritime très dangereuse. C’est là qu’ils ont disparu.
Le gouvernement grec n’hésite pas, quant à lui, à refouler les demandeurs d’asile vers la Turquie ou à les parquer dans des camps haute sécurité sur les îles, avec miradors, double clôture de barbelés et caméras de surveillance. Non seulement les gardes-côtes ne doivent pas porter secours aux passagers des rafiots qui menacent de couler, mais le gouvernement grec menace les humanitaires qui viennent à leur secours de prison pour espionnage et aide à l’immigration illégale.
Conséquence : les migrants tentent aujourd’hui de faire un trajet direct de Turquie vers l’Italie. En fin d’année, trois derniers naufrages ont ainsi fait au moins 32 morts dans cette traversée périlleuse.
La Manche devient elle aussi un cimetière marin. Les naufrages s’y multiplient, à l’image de celui qui a fait 27 morts en novembre au large de Calais, dans l’inaction complice des gouvernements français et britannique. La circulation très dense des porte-conteneurs et des pétroliers sur cette autoroute maritime la rendent très dangereuse. D’après le gouvernement britannique, 31 000 migrants ont tenté d’atteindre ses côtes en 2021, dont 21 000 avec succès ; les autres ont dû abandonner ou en sont morts.
Si, malgré le danger, cette route migratoire est devenue si fréquentée depuis 2018, c’est que les autres se sont refermées. Les fouilles de véhicules empruntant le tunnel se font avec détecteur de CO2 pour repérer d’éventuels humains, la ville de Calais est hérissée de barbelés et de grillages, l’accès au port et au tunnel est contrôlé avec du matériel de pointe. Les gouvernements et les médias désignent les passeurs comme responsables des naufrages. Mais ceux-ci n’existent qu’en raison de la fermeture des frontières aux damnés de la terre, qu’ils viennent du Soudan, de Syrie, d’Érythrée ou d’Afghanistan.
Après avoir fait de leurs pays autant de plaies vives, les puissances impérialistes ne savent que rejeter à la mer ou parquer dans des camps innommables les hommes et les femmes qui tentent au péril de leur vie de trouver un asile.