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Leur société
Vaccins : fortune des uns, misère des autres
Après deux années marquées par le développement d’une épidémie à l’échelle de la planète, Big Pharma va bien, très bien. Il n’en va pas de même pour les populations les plus pauvres.
Pour l’année 2021, l’américain Pfizer annonce 36 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour la seule vente de son vaccin à ARN messager. L’année 2022 s’annonce encore meilleure, avec les doses de rappel et la vaccination des adolescents, voire des enfants. Pour lui, tout va donc pour le mieux.
Il faut dire que le vaccin Pfizer est un des plus chers, voire le plus cher. Contrairement au boulanger qui affiche le prix de sa baguette, Pfizer n’affiche pas celui de son vaccin, il est le résultat de tractations secrètes. Mais une gaffe sur Twitter d’une responsable de la Commission européenne avait dévoilé en décembre 2020 le prix initial facturé à l’Europe de 15,50 euros la dose, bientôt augmenté, six mois plus tard, de 4 euros.
Certains laissent à penser ou font mine de croire qu’il s’agit là de la juste rémunération de longs efforts de recherche médicale et de grands travaux de production. Il n’en est rien. Les recherches fondamentales sur l’ARN messager et les techniques de mise au point de ce type de vaccin remontent à des années. Elles ont été le fait de petits laboratoires de biotechnologies, comme l’entreprise allemande BioNTech aujourd’hui associée à Pfizer. Il a fallu la pandémie, et donc la perspective d’un marché planétaire ainsi annoncé, pour que le bulldozer Pfizer accède enfin à la demande de BioNTech de mettre à disposition son savoir-faire et ses moyens de production. La rentabilité était assurée, le marché avait un besoin impérieux de cette marchandise qu’était désormais le vaccin, Pfizer était assuré de gagner. C’est fait, et sans prise de risque, puisque tous les contrats ont été signés et payés bien avant que les vaccins soient livrés.
Avec une histoire un peu différente, il en est allé de même pour Moderna, l’autre producteur de vaccin à ARN messager. Après des années et des années de recherche dans une petite structure, les finances publiques sont arrivées, attirées par la perspective d’un marché mondial.
L’anglo-suédois AstraZeneca a, lui, produit un vaccin différent développé par un laboratoire public, celui de l’université d’Oxford. Comme les autres, il a reçu le soutien financier des États. Comme pour les autres, avant même qu’elles ne soient produites, les doses de son futur vaccin ont été commandées, payées, préachetées.
Mais aujourd’hui des dizaines de millions de doses de ce vaccin AstraZeneca restent dans des entrepôts frigorifiés. De nombreux pays riches n’en veulent plus, en raison des cas de thrombose survenus après son injection.
Au Canada, au Luxembourg, en France, des centaines de milliers de doses ont été détruites, car arrivées à leur date de péremption. Mais, depuis cet été, c’est par millions de doses que ce vaccin, boudé par les pays européens, a été livré en Afrique au titre de la solidarité internationale Covax. Qu’est donc devenu le risque de thrombose ?
C’est d’ autant plus cynique que, faute d’infrastructures, d’équipements et de personnel, faute de seringues et de diluants pour mener à bien les campagnes de vaccination, les doses fournies sont vite périmées. C’est ainsi que le Nigeria annonçait en décembre la destruction d’un million de doses périmées et que le Sénégal s’apprêtait à faire de même pour 400 000 doses.
Tout cela en dit long sur cette prétendue solidarité avec les pays pauvres, qui consiste à leur livrer les vaccins dont on ne veut plus.