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Mer Rouge : qui menace la stabilité ?
Dans la nuit du 11 au 12 janvier, les avions des armées de l’air américaine et britannique ont bombardé le Yémen en représailles aux tirs de missiles opérés par les Houthis contre des navires en mer Rouge.
Joe Biden a déclaré peu après que les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient « mené avec succès des frappes contre un certain nombre de cibles au Yémen, utilisées par les rebelles houthis pour mettre en danger la liberté de navigation », frappes présentées comme « défensives ». Le président américain a averti qu’il « n’hésiterait pas » à « ordonner d’autres mesures » si nécessaire pour protéger l’Amérique et le commerce international. Et depuis, d’autres bombardements ont eu lieu.
Ces 150 tirs n’auraient prétendument ciblé que des sites militaires houthis. Ils ont pourtant visé Sanaa, la capitale, les gouvernorats de Hodeïda (à l’ouest), Taëz (au sud), Hajjah (au nord-ouest) et Saada (au nord). Ce n’est pas la première fois que les dirigeants impérialistes parlent de frappes chirurgicales, on a vu ce qu’il en a été en Irak.
Qui sont donc ces Houthis, que les médias désignent comme des rebelles menaçant la stabilité et la prospérité de la région ? Le mouvement houthiste, du nom du clan des al-Houthi auquel appartenaient ses fondateurs, est apparu au début des années 2 000 au sein de la minorité chiite yéménite, au nord du pays. Le Yémen était dirigé par le dictateur Ali Abdallah Saleh, avec la bénédiction des puissances impérialistes et de l’Arabie saoudite. Saleh s’étant déconsidéré par sa corruption, ses exactions et les impôts arbitraires imposés à la population rurale pauvre, le mouvement houthiste donna une expression politique et religieuse à ce mécontentement.
Après les manifestations du printemps arabe de 2011, Saleh dut laisser la place. Les milices houthistes, rejointes par une partie de l’armée qui avait servi sous Saleh, continuèrent à s’opposer au pouvoir. Début 2014, elles marchèrent sur le sud du pays, jusqu’à atteindre Aden, port stratégique qui commande le détroit de Bab el-Mandeb, ce passage obligé du trafic entre l’océan Indien et le canal de Suez.
En réaction, l’Arabie saoudite, appuyée par les États-Unis, constitua une coalition militaire avec les Émirats arabes unis, pour rétablir à coups de bombes le « pouvoir légitime du Yémen ». La guerre commencée fin mars 2015 a duré huit ans, fait des dizaines de milliers de morts, provoqué la famine et un chaos régional du fait de la multiplication de bandes armées. Mais l’Arabie saoudite n’est pas parvenue à vaincre le pouvoir des Houthis.
Par leurs actions en mer Rouge, ceux-ci entendent protester contre le massacre des Palestiniens à Gaza et en dénoncer les responsables, l’État israélien et son soutien américain. On ne sait quel régime peuvent instaurer les Houthis au Yémen mais, par leur action, ils ne font que riposter à la guerre que les États-Unis et leurs alliés leur font depuis plus de dix ans. Quand les dirigeants impérialistes les accusent de créer l’instabilité dans cette région, ils veulent faire oublier que c’est d’abord eux qui l’ont alimentée.
Les dirigeants américains, soutenus par les Sunak, Macron et autres, affirment ne pas vouloir l’extension du conflit au Moyen-Orient, et appellent même à la désescalade. En fait, ils ne veulent pas abandonner un pouce de terrain à des forces ou des États sur lesquels ils n’ont pas prise.
Les bombardements sur le Yémen sont, en ce sens, aussi un avertissement lancé à l’Iran. Et la crainte d’un ralentissement du commerce international qui menacerait les intérêts économiques de leurs multinationales incite de toute façon les dirigeants impérialistes à riposter d’abord par les armes, quelles qu’en soient les conséquences.