Algérie : rejet de la mascarade électorale11/09/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/09/une_2928-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Algérie : rejet de la mascarade électorale

En Algérie, l’élection présidentielle du 7 septembre a vu Abdelmadjid Tebboune réélu avec 94,65 % des voix, mais avec un taux de participation d’environ 20 %. Ce scrutin est en fait un désaveu cinglant pour lui, mais aussi pour ses concurrents qui ont contribué à en faire une mascarade électorale.

Au terme d’une campagne électorale verrouillée, marquée par une répression accrue, cette abstention massive exprime le rejet d’un système politique qui a fait preuve de mépris, jusqu’au soir même des résultats. En effet, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), après avoir déclaré 5,63 millions de votants sur 24,5 millions d’électeurs inscrits, a annoncé un taux moyen de participation de 48 % ! Cela a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, après une campagne qui n’a suscité qu’indifférence tant le scrutin était joué d’avance.

Des candidats susceptibles de refléter une quelconque critique du régime ont été entravés ou écartés par l’ANIE, qui a poursuivi en justice trois d’entre eux pour corruption politique. Face à Tebboune, seuls deux candidats censés représenter les principaux courants d’opposition ont été retenus.

Le parti islamiste MSP avait fait le choix d’écarter son ex-président Abderrazak Makri, plus populaire mais jugé trop critique par le régime, au profit d’Abdelaali Hassani, qui a recueilli 3,17 % des voix. Youcef Aouchiche, du Front des forces socialistes, un parti de notables implanté en Kabylie, a obtenu un score de 2,16 %. Tebboune espérait sans doute rallier sur ce nom les voix d’une région qui avait massivement boycotté l’élection de 2019.

Malgré le soutien du parti islamiste El Bina, du syndicat UGTA, du patronat, des confréries religieuses et de l’armée, Tebboune n’a obtenu que 300 000 voix de plus que lors du scrutin de 2019, qui avait été marqué par les appels au boycott à la suite du Hirak, le long mouvement de protestation populaire contre le renouvellement du mandat, le cinquième, du président Abdelaziz Bouteflika.

Les deux candidats d’opposition ont en fait tenu des discours semblables à celui de Tebboune, et ont relayé sa campagne pour le vote, présenté comme la seule manière de barrer la route aux ennemis du pays ! Ce chantage, qui flatte le nationalisme et sonne comme une menace, a suscité une réaction dans la jeunesse, frappée par un chômage de masse. Dans les stades, seuls lieux d’expression qui leur restent, les jeunes ont crié qu’ils n’iraient pas voter et que leur choix serait de prendre la mer et de fuir un pays qui ne leur offre aucun espoir et les étouffe.

Tebboune et ses concurrents ont brandi la menace étrangère pour tenter de souder la population derrière un régime qui, depuis cinq ans, n’a cessé de piétiner les libertés et les droits démocratiques. Loin d’être une trêve, la campagne a été l’occasion d’une répression accrue, un dispositif policier a été déployé, menaçant tous ceux qui auraient été susceptibles d’émettre une voix critique. Des journalistes, des dirigeants politiques en vue ont été harcelés. Athmane Mazouz, responsable du RCD, Ali Laskri, ancien dirigeant du FFS et Karim Tabbou, porte-parole de l’UDS, figure du Hirak, ont été interpellés avant d’être relâchés avec interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux et dans les médias. Fethi Gheras, le président du MDS, une organisation de gauche dissoute, a lui aussi été arrêté après une interview sur la chaîne El Magharibia. À Tizi-Ouzou et dans la banlieue d’Alger, des jeunes surpris en train d’arracher des affiches électorales ont été arrêtés et encourent de lourdes peines.

Pour emporter l’adhésion d’un électorat populaire désabusé, Tebboune a fait des promesses en matière de logements et de salaires et a fièrement affiché une croissance à plus de 4,2 %, dans un pays classé troisième économie d’Afrique. Mais pour les travailleurs et les classes populaires, qui n’ont cessé de s’appauvrir, qu’importe que les affaires des patrons se portent bien et que les indicateurs économiques du pays soient au vert si les leurs restent au rouge !

Sous l’apparente résignation, les colères s’accumulent et exploseront inévitablement contre ce système d’oppression qui les écrase.

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