Allemagne : Volkswagen, amer “miracle de Noël”25/12/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/12/une_2943-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Allemagne : Volkswagen, amer “miracle de Noël”

Un accord a été signé le 20 décembre à Hanovre, dans le nord de l’Allemagne, entre les dirigeants du groupe Volkswagen (VW) et ceux du syndicat IG Metall et du comité d’entreprise de la firme. Qualifié par ces derniers de « miracle de Noël », il prévoit bel et bien la suppression de 35 000 emplois directs et de lourdes attaques sur les salaires et les conditions de travail.

Au prix d’une perte de près de 30 % des emplois dans les usines du pays, auxquels s’ajoutent les dizaines de milliers de travailleurs de la sous-traitance qui seront eux aussi nécessairement touchés, les dirigeants syndicaux prétendent avoir empêché la direction de programmer la fermeture de plusieurs usines, comme elle en agitait depuis l’été la menace. L’accord aurait ainsi, selon eux, sauvé les salariés de futurs plans de licenciements massifs, mais également, c’est important à leurs yeux, fourni à la direction de nouvelles ouvertures pour gérer au mieux le groupe… aux dépens des travailleurs.

C’est en effet la corde au cou que les 130 000 salariés de VW sont « sauvés ». Non seulement des dizaines de milliers d’emplois vont disparaître d’ici 2030, en principe grâce à des départs naturels non remplacés, mais les attaques commencent immédiatement, et pour tous. La production de la Golf à moteur thermique sera arrêtée à Wolfsburg en 2027, et transférée, paraît-il, au Mexique. Tous les ouvriers de l’automobile savent ce qu’une telle mesure signifie ! Alors que la direction envisageait une diminution des salaires de 10 %, ceux-ci ne seront « que » gelés, face à une inflation qui les ronge. Les quelques pourcents accordés au compte- gouttes seraient bloqués dans un fonds spécial. Certaines primes et indemnités seront supprimées en 2026 et 2027, d’autres amputées jusqu’en 2031. L’embauche d’apprentis sera réduite de plus de moitié, et l’horaire de travail pourra augmenter d’une ou deux heures hebdomadaires selon les catégories, sans paiement ni compensation.

Après la rupture par le patron en septembre de la garantie d’emplois en vigueur depuis le dernier accord d’entreprise, 65 000 grévistes, soit 50 % des travailleurs de VW dans le pays, avaient clairement manifesté début décembre leur opposition aux projets de fermetures d’usines et autres attaques. Ils se déclaraient par slogans et banderoles interposés « prêts à la lutte ». À présent, sans les consulter, leurs dirigeants syndicaux apposent leur signature au bas d’un texte qui a tout lieu de satisfaire la direction et les dirigeants politiques. Le PDG Oliver Blume estime ainsi que, « avec l’ensemble de mesures obtenu, l’entreprise a posé des jalons décisifs pour son avenir en termes de coûts, de capacités et de structures ». Le fameux et mensonger « coût du travail » est donc réduit. Le chancelier Olaf Scholz voit lui aussi dans cet accord une bonne nouvelle. Quant au ministre-président social-démocrate du Land de Basse-Saxe, qui siège au conseil de surveillance de VW, puisque le Land détient 20 % des actions de VW, il considère que « l’avenir de Volkswagen [est garanti] à long terme ». Le sien tiendra-t-il pour autant après les prochaines élections législatives anticipées, rien n’est moins sûr…

Pourtant, en dépit des coupes claires annoncées dans les effectifs, des quatre mille emplois supprimés d’ici peu sur le site de Wolfsburg, de la fin de la production sur celui de Dresde fin 2025 et sur celui d’Osnabrück à l’été 2027, de la prévision d’économies de 1,5 milliard d’euros par an, les actionnaires semblent bouder l’accord scélérat. La richissime famille Porsche-Piëch, actionnaire majoritaire de VW, en réclame encore plus. Les 10 milliards d’euros de dividendes qu’elle a empochés au cours des quatre dernières années, source majeure de liquidités pour le groupe Porsche SE qu’elle dirige, lui ont au moins permis de placer ses pions au Québec, dans une société de batteries. Et les 125 milliards d’euros de profits générés sur les huit dernières années par VW, en hausse constante sauf l’année du Covid, prouvent aux travailleurs qui en sont la source qu’ils n’ont aucune raison d’accepter les attaques patronales, même approuvées par les dirigeants syndicaux.

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