Bangladesh : la révolte et ceux qui veulent l’éteindre13/08/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/08/une_2924-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bangladesh : la révolte et ceux qui veulent l’éteindre

Au Bangladesh, les dirigeants de l’armée ont finalement décidé mardi 6 août de laisser le pouvoir à un gouvernement de transition avec pour chef Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix en 2006 et populaire parmi les opposants. Ce gouvernement comprend aussi deux leaders du mouvement étudiant, placés à la tête de ministères secondaires, Télécommunications et Sport.

Dans ce pays de 170 millions d’habitants, le changement de gouvernement est le résultat de plus d’un mois de manifestations et d’émeutes étudiantes. Le mouvement avait démarré contre le rétablissement de quotas d’emplois réservés dans la fonction publique, qui favorisaient les milieux du parti au pouvoir, alors que les jeunes diplômés subissent un chômage massif. Mais le nombre et la détermination des manifestants ont surtout énormément grandi face à la violence croissante des autorités. Les arrestations arbitraires, les tortures, les tirs de la police, y compris sur des enfants, qui ont fait jusqu’à 400 morts, ont encore multiplié le nombre des révoltés et fait évoluer leurs objectifs. Le 5 août, des centaines de milliers de manifestants convergeant vers sa résidence ont mis fin au régime de l’ancienne Première ministre, Sheikh Hasina, qui venait de s’enfuir en hélicoptère.

Aujourd’hui la police, honnie après les tueries de manifestants, a déserté les rues et des anciens manifestants, souvent étudiants voire lycéens, font la circulation, tracent des passages piétons, protègent les monuments publics ou les habitations d’hindous qui sont pris pour cibles.

On voit ainsi que cette population qui a renversé un régime pourrait prendre elle-même en mains la gestion de la société. Mais pour l’instant, la majorité n’est sans doute pas consciente des possibilités que la situation lui offre. Or, si la révolte a remporté une victoire contre la répression, l’État reste en place au service des classes possédantes, et les généraux en gardent le contrôle. Après avoir envisagé de constituer eux-mêmes un gouvernement par intérim, ils ont jugé plus habile de le laisser à des civils ayant la faveur de ceux qui ont manifesté, et ont congédié certains hauts gradés trop compromis avec l’ancien régime. L’importance de la classe ouvrière au Bangladesh et sa détermination ont été visibles lors de grandes grèves pour des hausses de salaires, en octobre dernier dans l’industrie textile, et il y a deux ans dans les plantations de thé. Il n’est pas dit qu’elle se contente longtemps de voir la violence sociale se dissimuler derrière la figure bienveillante d’un Muhammad Yunus.

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