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Bénin : la Françafrique a de beaux restes
Dans la matinée du 7 décembre, au Bénin, un groupe de militaires est apparu à la télévision pour annoncer le renversement du président Patrice Talon. Ils ont été rapidement délogés par des forces loyalistes, appuyées par l’armée française.
L’aviation nigériane aussi est intervenue, guidée par un avion du renseignement français, et des forces spéciales françaises, basées en Côte d’Ivoire, ont mené directement des opérations au sol pour aider à faire la chasse aux mutins.
Cette tentative de coup d’État n’est pas surprenante, tant le régime de Patrice Talon est détesté. Élu en 2016, et réélu en 2021 à 86 % au premier tour d’une élection boycottée par les électeurs, le président est un homme d’affaires prospère. Il a fait fortune en accaparant les entreprises publiques que l’État a privatisées dans les années 1990, devenant en 2015 la 15e fortune d’Afrique francophone. Il contrôle désormais le secteur du coton. En août 2022, Patrice Talon s’était fait chaudement applaudir à l’université d’été du Medef, en affirmant que la démocratie « conduit à l’anarchie ». Et, en effet, la chasse aux opposants, et même à tous ceux qui le critiquent, est féroce. Le droit de grève et de manifestation n’existe pas.
La tentative de coup d’État a donc suscité un peu d’espoir mêlé d’inquiétude à Cotonou, la capitale, où des tirs et des explosions ont duré toute la journée du 7 décembre. Mais dans un contexte de crise économique aiguë, dans un des pays les plus pauvres du monde, c’est surtout l’indifférence qui a dominé. Le chômage et l’inflation frappent les classes populaires, et même la faim est répandue parmi les travailleurs. L’État a mis en retraite anticipée plus d’un millier de fonctionnaires. Dans la zone économique de Glo Djibè près de Cotonou, que le régime présente partout comme un modèle de développement, les ouvriers sont embauchés comme stagiaires pendant huit mois, avec une petite indemnité, et doivent se battre pour leurs conditions de travail. La crise économique est aggravée par la fermeture des frontières avec le Niger, depuis le coup d’État qui a eu lieu dans ce pays en juillet 2023. Certains produits du quotidien ont vu leurs prix doubler. Celui du litre d’huile est passé de 900 à 1 500 francs CFA. Nombre de petits commerçants sont ruinés.
La dernière intervention française d’ampleur dans le pays remonte à 1977, quand le président français Valéry Giscard d’Estaing avait envoyé son mercenaire Bob Denard et ses troupes mater un régime insuffisamment docile à son goût. Depuis, l’influence française s’est réduite dans la région, l’armée française ayant été chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger. L’État français, qui a sauvé la mise au dictateur- président Patrice Talon, s’accroche à ses derniers restes d’empire colonial.