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Dans le monde
Brésil : guerre contre les pauvres
Le 28 octobre, tôt le matin, près de 2 500 policiers, avec blindés et hélicoptères, ont envahi les favelas de Penha et Alemão, à Rio de Janeiro prétendument pour neutraliser le gang du Comando Vermelho et « sécuriser la ville ».

Le gouverneur d’extrême droite de l’État s’est empressé de se vanter du « succès » de l’opération.
Dans ce pays parmi les plus inégalitaires du monde, il n’existe aucune réelle politique du logement. Des millions de pauvres, le plus souvent des Noirs, en sont réduits à survivre sur des terrains non constructibles, les favelas. Eau potable, assainissement, électricité stable, collecte des déchets, tout fait défaut. À Rio, un habitant sur quatre vit dans une favela, c’est-à-dire une grande partie de la classe ouvrière.
Il est vrai que les gangs sont un fléau dont souffre la population. Mais cette opération n’était pas une « lutte contre le crime », c’était une attaque contre la population pauvre de la ville, celle qui s’entasse dans les favelas. Elle s’est soldée par un véritable carnage : 132 morts, dont quatre policiers. L’opération a eu lieu au cœur de zones densément habitées. Les habitants racontent les rafales de tirs au milieu des maisons et des écoles, et comment des familles entières ont été prises sous le feu. Une fois la police partie, certains ont passé la nuit à chercher les corps dans les ruelles et les bois avoisinants. Ils ont eux-mêmes rassemblé des dizaines de cadavres sur une place publique : plusieurs victimes avaient été exécutées d’une balle dans la nuque, d’autres torturées.
La police brésilienne, ouvertement raciste, est souvent qualifiée de la « plus violente du monde ». En 2023, elle a tué plus de 6 300 personnes, dont 87 % de Noirs. Cette même année, la mort d’une petite fille de 3 ans, tuée à Rio par la police lors d’un contrôle routier, avait ému le pays. Mais, depuis, rien n’a changé, toute personne pauvre peut être abattue dans la rue lors d’un simple contrôle et chaque jour des jeunes, souvent noirs et désarmés, sont tués dans les rues, les favelas ou les centres commerciaux.
L’extrême droite cherche à se renforcer par une démagogie sécuritaire qui prétend répondre à la violence des gangs. Sécuriser les favelas est un prétexte que saisit la police, au sein de laquelle elle est présente, pour déployer mitrailleuses, blindés et hélicoptères. Ce massacre n’a en rien affaibli les gangs : aucun chef du Comando Vermelho n’a été arrêté et l’argent du trafic continue d’être blanchi dans les banques et les commerces en toute impunité. Pour remplacer leurs membres tués, les gangs trouveront d’autres jeunes, car beaucoup ne voient pas d’autre perspective que de rentrer dans les bandes criminelles.
Ces opérations ne visent pas vraiment à combattre le crime, elles servent à terroriser les classes populaires et à gagner des voix sur la peur. Pour les habitants des favelas, la police est un gang armé de plus qui vit sur leur dos. Dans ce Brésil dirigé par Lula, aucune solution ne viendra d’en haut. Les habitants devront s’organiser et s’armer eux-mêmes pour ne plus être la proie des gangs, légaux ou non, qui les rackettent et les tuent.