Burkina Faso : l’enfer de la guerre11/09/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/09/une_2928-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Burkina Faso : l’enfer de la guerre

400 villageois ont été tués le 26 août à Barsalogho, au Burkina Faso, par les djihadistes appartenant à un groupe lié à al-Qaida. Ils étaient en train de creuser des tranchées destinées à protéger leur village contre de telles attaques.

Les soldats burkinabés avaient fait irruption dans le village deux jours auparavant, accompagnés de Volontaires pour la défense de la patrie, des auxiliaires recrutés pour seconder l’armée. Les officiers avaient ordonné aux hommes de creuser des tranchées défensives, obéissant aux consignes du président Ibrahim Traoré. « Il faut que tout le monde se mette à la tâche. Je ne veux plus entendre dire qu’on est attaqué. Vous allez mobiliser la population pour creuser des tranchées », avait ordonné le président à ses troupes. Les villageois avaient fait valoir que s’éloigner ainsi de quelques kilomètres du village signifiait risquer leur peau, mais ils avaient finalement dû s’exécuter sous la menace. Ils ont payé de leur vie cet ordre criminel, tandis que soldats et Volontaires pour la défense de la patrie s’enfuyaient dès les premiers coups de feu.

Le président Traoré a tenté de nier le massacre, parlant de quelques morts. Les femmes qui étaient restées au village ont été menacées de représailles si elles parlaient de la mort de leurs maris et de leurs fils. Mais des survivants ayant filmé la tuerie, il est devenu impossible de cacher la vérité. On ne compte plus au Burkina les villages qui ont subi les exactions de djihadistes ou les violences perpétrées par l’armée. Deux millions d’habitants sur les 23 que compte le pays ont dû fuir de chez eux.

Depuis les premières attaques djihadistes en 2015, l’insécurité n’a fait que progresser. Une suite de coups d’État a porté à la tête du pays des militaires qui tous se faisaient fort de rétablir la sécurité. Il n’en a rien été. En février 2023, les troupes françaises ont dû quitter le pays et ont laissé la place aux mercenaires russes sans qu’ils aient plus de succès.Il est vrai que ni l’une ni l’autre de ces bandes armées n’avait pour but de protéger la population. Pour les Français de l’opération Barkhane, il s’agissait de garder le Burkina dans le giron de l’impérialisme français. Pour les Russes de l’Africa Corps, cette milice qui a succédé à Wagner et est le bras armé de Poutine en Afrique, il est simplement question aujourd’hui de faire du Burkina un allié. Cela signifie pour la Russie s’assurer les voix des diplomates burkinabés dans les institutions internationales et laisser ses soldats piller les richesses minières du pays, de l’or essentiellement. Cela implique de protéger les dirigeants du pays, mais il n’a jamais été question de la population. Ibrahim Traoré a d’autant plus besoin d’une garde rapprochée étrangère qu’il est lui- même menacé en permanence par sa propre armée. La dernière tentative de coup d’État remonte au mois de juin, après le massacre de plus de cent soldats par les djihadistes.

Des dizaines d’années de mainmise de l’impérialisme français sur le Burkina ont laissé un appareil d’État dont la seule raison d’être est de rançonner la population. En 2014, la colère populaire avait débouché sur une insurrection qui avait chassé le dictateur Blaise Compaoré, mais un pouvoir du même acabit avait aussitôt été remis en place par l’impérialisme français. Il avait été rapidement renversé par l’armée, dont les chefs, surfant sur la haine des Burkinabés envers la France, s’étaient débarrassés de cette tutelle et avaient appelé la Russie à la rescousse. Ce recours à une nouvelle force armée étrangère n’a rien changé pour la population et aujourd’hui, une jeunesse sans avenir se range sous l’étendard des groupes djihadistes qui combattent ce pouvoir et prétendent imposer à la population une loi moyenâgeuse.

La population se trouve ainsi prise entre deux bandes d’hommes armés qui la somment, sous peine de mort, de se ranger dans leur camp. Elle partage cette situation dramatique avec les habitants d’une grande partie de l’Afrique. En République démocratique du Congo, les réfugiés des camps qui entourent Goma doivent subir les exactions à la fois de la soldatesque congolaise et les attaques de ses ennemis du M 23. Au Soudan, les habitants sont pris en étau entre les armées de deux généraux rivaux qui s’affrontent pour le pouvoir. Cet enfer de la guerre, des camps de réfugiés, de l’exil est tout ce que l’impérialisme pourrissant offre aux millions d’habitants du continent le plus pauvre de la planète.

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