Censure ou pas : ce n’est pas le patronat qui paiera27/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2939-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Censure ou pas : ce n’est pas le patronat qui paiera

Interviewé sur TF1 mardi 26 novembre, le Premier ministre a déclaré qu’il allait « probablement » avoir recours au 49.3 pour faire adopter le budget.

Face à la menace du vote d’une motion de censure qui entraînerait la chute de son gouvernement, Barnier a averti : « Il y aura des turbulences graves sur les marchés financiers. » Autrement dit, « c’est moi ou le chaos ».

La conjugaison de la démission de Barnier, de l’impossibilité de trouver une majorité stable et du fait que la Constitution interdise de nouvelles élections législatives avant juillet prochain approfondirait alors la crise politique, donnant l’impression, voire démontrant, que le pays n’est pas gouverné. Ce tangage au sommet déplaît profondément au grand patronat. D’une part il a besoin de continuité gouvernementale pour ses affaires, tant financières que sociales, entre autres pour que les attaques multiformes contre la classe ouvrière soient rondement et si possible habilement menées. D’autre part, au moment où il entame une violente campagne de licenciements qui risque de soulever la colère, il prèfèrerait qu’une main ferme tienne le gouvernail de l’État. Pour cela, le maintien de Barnier lui semble la solution la moins risquée.

C’est pourquoi la grande presse respectable, en tant que chœur autorisé des desiderata du capital, invite Marine Le Pen à retenir ses ardeurs et à ne pas voter une éventuelle motion de censure. Pour cela Barnier devra lui offrir quelque chose qui ressemble à un recul. Il pourrait se dédire à propos des taxes sur le courant électrique, ne pas bloquer tout de suite les retraites, faire aboyer Retailleau encore un peu plus contre les immigrés … Car il faudrait aussi que Le Pen veuille bien faire avaler à son électorat populaire le soutien de fait à un gouvernement qui lui fait les poches. Il y aurait pour elle un coût politique tant son électorat parmi les travailleurs est, avec raison, opposé à Macron, Barnier et toute la clique.

Mais, dit le chœur, Le Pen sortirait grandie de l’épreuve, s’étant montrée prête à se faire hara-kiri et surtout à laisser éventrer la population, y compris ses électeurs, pour le bien des financiers. Ne serait-ce pas là le brevet ultime de respectabilité au service de la propriété, ce brevet qu’elle poursuit depuis tant d’années, en vue de l’élection présidentielle ?

Si Le Pen entendait au contraire voter la censure, quitte à accroître l’instabilité, certains proposent encore une solution : détacher du bloc de gauche suffisamment de députés pour que la motion de censure ne passe pas. L’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve s’est déclaré volontaire pour rassembler de quoi soutenir Barnier sur sa gauche si l’extrême droite venait à lui faire défaut. Il est probable que les candidats ne manqueraient pas, au prétexte habituel… de faire barrage à l’extrême droite, tout en lui faisant un marchepied.

Alors, que fera finalement Le Pen ? Barnier la payera-t-il pour éviter la censure et à quel prix ? Le suspense peut encore durer quelque temps mais pour le grand patronat, il n’y en a pas. Il sait que, de toute façon, la facture ne sera pas pour lui.

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