Elle met quelques conditions à ce soutien, entre autres le dépôt d’une loi sur l’immigration « au premier trimestre 2025 » qui instaurerait une forme de préférence nationale, et donc serait plus dure encore contre les immigrés que celle déjà adoptée, ou encore une réforme du scrutin des législatives introduisant la proportionnelle. « Pour le moment, on a envie de leur faire confiance, dit Bryan Masson, le député RN des Alpes-Maritimes. On ne les censurera pas tant qu’ils nous aimeront. »

Pour atténuer ce geste en faveur de cet homme de droite dont tous les travailleurs – et y compris les électeurs du RN – savent qu’il est surtout prêt à leur faire les poches, Le Pen s’est élevée contre la décision de Barnier de reporter l’indexation des retraites au 1^er juillet au lieu du 1^er janvier. Il lui faut bien continuer à entretenir des illusions, à chercher à faire croire à ceux qui ont voté RN dans les classes populaires que ce parti leur apporterait du changement. Barnier s’est d’ailleurs empressé de dire qu’il prenait en considération cette demande de report de la mesure. C’est une promesse de concession qui ne mange évidemment pas de pain car, comme il l’a déclaré aussitôt, d’autres mesures pourraient être envisagées, tout aussi antiouvrières. Le problème de Barnier est de ne pas être censuré, du moins pas tout de suite, et pour cela il sait qu’il a besoin du RN qui se prête à ce jeu de rôles très politicien.

« Ne pas choisir la stratégie du chaos », pour reprendre les mots de Le Pen, en ne censurant pas le gouvernement est en effet une posture destinée à montrer à la bourgeoisie que le RN est un parti responsable, vis-à-vis de celle-ci s’entend. Le RN aspire à gouverner et pense qu’il aura toutes ses chances en 2027. Plus il s’approche du pouvoir, plus il doit montrer à la bourgeoisie qu’une fois dans la place, il saura défendre ses intérêts. Voilà qui écorne l’image d’un parti qui serait différent de tous ceux qui ont gouverné jusque-là que Le Pen et Bardella entretiennent pour attirer des électeurs, en particulier ceux qui appartiennent au monde du travail.