Chine 1949 : une révolution paysanne et nationaliste09/10/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/10/une_2932-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Il y a 75 ans

Chine 1949 : une révolution paysanne et nationaliste

Il y a soixante-quinze ans, le 1er octobre 1949, rompant avec un siècle d’humiliation nationale, Mao Zedong proclamait la République populaire de Chine.

À la fin du 19e siècle, la Chine féodale était mise en coupe réglée par les puissances impérialistes occidentales. La dynastie à sa tête, corrompue et incapable, finit par chuter. Une République fut proclamée en 1911 par le Kuomintang, le parti nationaliste qui se battait pour une Chine moderne, capitaliste et indépendante de l’impérialisme. Mais au contraire, la Chine, livrée aux seigneurs de guerre, se désagrégea.

À partir de 1925, une nouvelle révolution commença à mûrir. Fondé en 1921 sous l’impulsion de la 3e internationale qui cherchait à étendre la révolution commencée en Russie, le Parti communiste chinois organisa en peu de temps des milliers d’ouvriers, dont l’objectif était à la fois de mettre fin à la domination des seigneurs féodaux et à celle de l’impérialisme. Mais, sous direction stalinienne, l’Internationale imposa au PC de se fondre dans le Kuomintang, dirigé alors par Chang Kaï-chek. En 1927, à Shanghai, où les travailleurs et les communistes avaient pris le pouvoir pour le lui remettre, Chang Kaï-chek fit fusiller des milliers d’entre eux et mit un terme à la révolution ouvrière dans le sang.

Ce fut d’autant plus une tragédie qu’une révolution chinoise victorieuse aurait redonné vie à la révolution ouvrière à l’échelle de la planète et donné l’occasion aux ouvriers russes de contrer la bureaucratie stalinienne.

Une révolution paysanne, une direction petite-bourgeoise

Après la défaite de 1927, le Parti communiste chinois, isolé dans les campagnes, se retrouva coupé de la classe ouvrière. Dirigé par Mao et sous l’influence de la politique stalinienne qui consista à former des Fronts populaires en alliance avec des partis de la bourgeoisie, il devint dans les années 1930 un parti nationaliste radical.

En 1937, le Kuomintang et le PC, qui dominait certaines provinces, cessèrent de s’affronter pour s’allier contre le Japon qui étendait alors son emprise sur toute la Chine. L’occupation par le Japon fut particulièrement violente, et sa défaite en 1945 fut l’occasion d’un véritable soulèvement paysan. L’objectif du PC fut alors de former un gouvernement de coalition avec Chang Kaï-chek, une position longtemps soutenue par l’impérialisme américain. C’est Chang qui rompit les ponts.

Le Kuomintang était vomi par de larges couches de la population, y compris par la bourgeoisie, qui n’en pouvait plus de sa corruption et de son parasitisme, et il voyait grandir l’influence du PC. Fin 1945, le Kuomintang attaqua les troupes de Mao, qui avaient acquis le soutien des paysans révoltés et de la petite-bourgeoisie citadine. Le PC hésita cependant longtemps avant d’assumer cette révolte. Pour ne pas s’aliéner les seigneurs dits patriotes, il n’avait qu’un programme agraire modéré, de réduction des loyers. Après de longues hésitations, parce que tout compromis avec Chang semblait s’éloigner définitivement, parce qu’une partie de la bourgeoisie voyait le PC d’un bon œil, celui-ci se décida. À l’été 1946, l’ordre fut transmis : « Partagez la terre ». Le Parti communiste choisissait ainsi de se mettre à la tête des paysans révoltés pour prendre le pouvoir. Très vite, les armées de Chang furent battues. Celles de Mao entrèrent souvent sans coup férir dans les villes.

La classe ouvrière tenue à l’écart

La classe ouvrière, maintenue soigneusement à l’écart, ne joua aucun rôle dans la prise du pouvoir par Mao. Le 1er octobre 1949, Mao proclama officiellement la république populaire de Chine. Chang se réfugia dans l’île de Taïwan sous protection américaine.

La révolution chinoise de 1949 donna naissance à un État bourgeois, visant à moderniser la société chinoise, à assurer son développement économique en libérant le pays de la tutelle directe de l’impérialisme et en partageant les terres féodales. Le nouveau régime, s’appuyant sur la petite bourgeoisie progressiste, mit fin à bien des aspects réactionnaires de la vieille société, notamment concernant la condition des femmes. Le nouvel État bourgeois allait cependant vite se heurter à une partie de la bourgeoisie chinoise elle-même qui fuyait à Taïwan et à Hong Kong, et à l’impérialisme. De 1949 à 1971, l’impérialisme américain qui soutenait toujours Chang Kaï-chek, mit la Chine sous embargo. Confronté à ces oppositions, l’État nationalisa de larges pans de l’économie et la développa en surexploitant l’immense paysannerie chinoise.

La grande amitié sino-américaine

À la fin des années 1960, ce sont les États-Unis qui, embourbés au Vietnam, changèrent de politique, à la recherche d’un point d’appui dans la région. Cela aboutit au rétablissement des relations diplomatiques, illustré spectaculairement par la rencontre, en 1972, du président américain Nixon avec Mao. Sur le plan économique, la Chine devint un marché vierge à conquérir, et une inépuisable source de main-d’œuvre bon marché.

Sous le contrôle de l’État chinois, les capitalistes occidentaux furent accueillis à bras ouverts. La Chine s’intégrait dans l’économie mondiale comme l’atelier du monde, sous-traitant des trusts occidentaux et japonais. L’État chinois se fit leur agent, se chargeant de maintenir l’ordre dans les usines, et promettant à la bourgeoisie chinoise en développement de recueillir une partie des fruits de l’exploitation ouvrière.

Cette bourgeoisie, aujourd’hui quelques centaines de milliardaires et plusieurs millions de millionnaires, doit sa fortune et ses positions à l’État chinois auquel elle est étroitement liée. La classe ouvrière aussi s’est considérablement renforcée. Des millions de ruraux pauvres ont quitté les campagnes à la recherche d’un travail dans les centres urbains. En comptant ces 295 millions de « mingong » en 2022, les salariés en activité sont aujourd’hui près de 800 millions, une formidable force dont les bourgeoisies chinoise et occidentale se méfient car, si la classe ouvrière est férocement exploitée, c’est aussi une classe qui se bat.

L’avenir dépend de la classe ouvrière

Aujourd’hui, l’impérialisme doit compter avec un État chinois qu’il ne contrôle toujours pas, qui s’est développé et se trouve en mesure de le concurrencer sur certains terrains. Le contenir c’est tout le sens de la politique des grandes puissances occidentales depuis 2011, marquée par la montée des barrières protectionnistes, le déploiement des forces militaires en Asie, et un risque accru de guerre… La révolution de 1949, qui s’est placée sur le terrain national a conduit à une nouvelle impasse. Mais la classe ouvrière de Chine, devenue la plus importante au monde, reliée par mille liens à la classe ouvrière européenne et américaine, pourra être une force décisive dans l’avenir.

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