CMA CGM : géant des mers, nain fiscal17/10/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/10/une_2933-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

CMA CGM : géant des mers, nain fiscal

Le Premier ministre compte récupérer 500 millions d’euros en 2025 et 300 millions en 2026 par une imposition spéciale temporaire visant les armateurs dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à un milliard d’euros.

Le débat, aussi bien du côté des députés que de celui des armateurs, s’est focalisé sur la taxe au tonnage. Cette disposition particulière, qui impose les armateurs sur les capacités de leurs navires plutôt que sur leur chiffre d’affaires, a coûté 9 milliards d’euros au fisc entre 2023 et 2024. Elle a rapporté autant aux armateurs et avant tout au plus gros d’entre eux, et de très loin, la CMA CGM (25 milliards de dollars de bénéfices en 2022). Les armateurs sont ravis que Barnier ne touche pas à la taxe au tonnage. Les députés du NFP proposent timidement de la limiter. LR, désormais au gouvernement, et le RN, proche d’y accéder, qui protestaient naguère mollement contre cette taxe, n’en disent plus un mot.

La taxe au tonnage n’est pourtant que l’une des très nombreuses dispositions légales qui protègent les armateurs. Ainsi l’État a créé en 2005 le Registre international français (RIF) et l’a depuis sans cesse assorti de nouveaux avantages. Un bateau de commerce enregistré au RIF dispose de tous les avantages liés à la nationalité française, de l’aide consulaire dans chaque port à la protection par la marine nationale, en mer Rouge par exemple ces derniers temps. Sous ce pavillon un armateur bénéficie du crédit-bail, c’est-à-dire d’un crédit quasi gratuit pour financer un bateau neuf, de dégrèvement sur les plus- values de cession d’un navire, de 40 % de prise en charge des frais pour verdir la motorisation. L’armateur peut embaucher les trois quarts de ses équipages au tarif international de 673 dollars (613 euros) par mois, sans charges ni obligations quelconques. Pour le quart restant, nécessairement originaire de l’Union européenne et généralement composé des officiers et maîtres, les cotisations patronales sont divisées par trois.

Les navires à passagers ne sont pas oubliés. Leurs armateurs sont carrément dispensés de cotisations sociales pour tous leurs équipages depuis 2021, une mesure censée être temporaire mais prolongée d’année en année. Il faudrait ajouter à ce florilège que, comme la plupart des grands capitalistes, les armateurs ne payent pas ou presque pas pour les infrastructures indispensables à leurs activités. Et, lorsqu’il s’agit de ports, de canaux, de digues, d’écluses, de systèmes de balisage maritime, cela revient particulièrement cher à la collectivité.

C’est précisément cet ensemble de mesures et quelques coups de pouce directs sonnants et trébuchants qui ont permis la constitution de l’empire CMA CGM et d’autres fortunes de moindre calibre. Il est inutile de compter sur cet État et sur ses gestionnaires pour défaire ce qu’ils ont si bien et si profitablement construit, de gouvernement de gauche en gouvernement de droite, depuis des dizaines d’années.

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