Déserts médicaux : emplâtre sur jambe de bois09/04/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/04/P6-1_Lingreville-20181103-65_C_LO.jpg.420x236_q85_box-0%2C75%2C800%2C525_crop_detail.jpg

Leur société

Déserts médicaux : emplâtre sur jambe de bois

L’Assemblée a voté un texte prétendant résoudre le problème des déserts médicaux en limitant l’installation des médecins dans les zones qui en sont déjà bien pourvues.

Illustration - emplâtre sur jambe de bois

Le texte prévoit que l’installation d’un médecin sera désormais soumise à l’autorisation du directeur de l’Agence régionale de santé. Dans les zones largement pourvues en médecins, elle ne sera accordée que si un autre médecin s’en va. Dans les déserts médicaux, elle sera par contre délivrée de droit. Ce texte, auquel le ministre de la Santé était opposé, n’est pas définitif car il fait partie d’un projet de loi examiné début mai et qui devra ensuite passer au Sénat. Mais même adopté, il ne résoudra rien. Ce n’est pas parce qu’un médecin ayant voulu s’installer dans le plus riche quartier d’une ville de la Côte d’Azur n’en aura pas la possibilité qu’il partira exercer au fin fond de la Creuse.

Selon l’ordre des médecins, la densité médicale a diminué entre 2010 et 2024 dans 69 départements. De plus en plus de praticiens partent en retraite sans être remplacés. Six millions de personnes n’ont pas de médecin traitant. Obtenir un rendez-vous chez un dentiste ou un spécialiste est souvent un véritable marathon. Les retards de diagnostic et l’aggravation des pathologies qui en découlent augmentent encore la charge des médecins qui restent. La difficulté à exercer en zone rurale n’est d’ailleurs pas seule en cause. L’Agence régionale de santé estime par exemple que 92 % de la Seine-Saint-Denis est un désert médical avancé.

Le gouvernement reconnaît qu’une régulation serait nécessaire, mais il est bien impuissant à la mettre en œuvre car le système de santé repose en grande partie sur la médecine libérale dont la logique est celle du marché. Alors que le nombre de médecins reste insuffisant pour faire face aux départs en retraite et au vieillissement de la population, une grande partie d’entre eux préfère s’installer là où cela rapporte le plus et où il y a moins d’inconvénients, au détriment des campagnes ou des banlieues pauvres. Dans un tel système, les médecins n’ont pas plus de contrainte que n’importe quel épicier, mais cela conduit forcément à la catastrophe pour un service aussi vital que la santé. Cette catastrophe touche d’ailleurs aussi la médecine hospitalière. Censée permettre un accès aux soins à toute la population, elle s’éloigne de plus en plus de cet objectif sous le poids des contraintes budgétaires et d’une politique de plus en plus orientée par la recherche de rentabilité. Les maternités ferment, les services d’urgence aussi, et chaque loi de financement de la Sécurité sociale aggrave la situation par tous les bouts.

C’est en fait toute l’organisation du système de santé qui pose problème, tout simplement parce qu’elle n’est pas basée sur l’obligation de répondre aux besoins de la totalité de la population en lui faisant bénéficier des meilleurs soins possibles. Si c’était le cas, il ne serait pas difficile d’organiser un véritable maillage sanitaire et de former le nombre de médecins suffisant pour l’assurer.

Face à cette réalité, la rustine proposée par les députés ne peut être qu’une diversion.

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