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Leur société
Deuil national : meurtriers bienveillants
Face à l’ampleur de la catastrophe à Mayotte, Macron a décrété une journée de deuil national le lundi 23 décembre.
Ce geste, qui ne coûtait rien, a sans doute été conçu pour masquer la responsabilité écrasante de l’État français dans l’état de délabrement du 101e département français, le plus pauvre du pays, comme dans les retards et les faiblesses dans la mise en œuvre des secours. Il aurait pu faire oublier, un peu, le mépris, colonial et social, que Macron a étalé au cours de son déplacement dans l’archipel.
Mais cette journée officielle, plus de neuf jours après le passage du cyclone, aura un peu plus souligné le mépris du gouvernement pour la population de Mayotte. Outre la date choisie – après le début des vacances scolaires, à la veille d’un réveillon –, ministres, députés et chefs de partis n’avaient qu’une seule préoccupation : quelle serait la composition du gouvernement Bayrou et, surtout, disposeraient-ils d’un strapontin dans l’un ou l’autre des ministères ? À côté d’un enjeu aussi vital, le sort de quelques centaines de milliers de pauvres au milieu de l’océan Indien ne comptait guère.
En 1902, après l’irruption de la Montagne Pelée en Martinique, qui avait tué 40 000 personnes, la militante révolutionnaire Rosa Luxemburg dénonçait l’hypocrisie des gouvernants qui, alors qu’ils exploitaient des peuples sans vergogne et se faisaient des guerres pour contrôler la planète, « se tournent tous vers la Martinique d’un même mouvement et le cœur sur la main, ces meurtriers bienveillants aident, sauvent, sèchent les larmes et maudissent les ravages du volcan ». Un siècle plus tard, leurs héritiers politiques, tout autant meurtriers, n’auront même pas été capables de verser des larmes de crocodile.