États-Unis : la grève chez Boeing18/09/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/09/une_2929-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : la grève chez Boeing

Depuis le 13 septembre, la production des usines Boeing du nord- ouest des États-Unis est arrêtée : la grève paralyse l’un des deux plus gros constructeurs aéronautiques du monde.

Pourtant la direction de Boeing et celle du syndicat des machinistes et travailleurs de l’aérospatiale (IAM) s’étaient entendues pour éviter la grève. Lors des négociations pour un nouveau contrat de travail collectif, un accord avait été conclu comportant une augmentation de salaire de 25 % sur les quatre prochaines années. Une cadre dirigeante de Boeing l’avait qualifié d’« offre historique ». Le même son de cloche venait de la direction syndicale, qui avait expliqué aux travailleurs : « Nous pouvons honnêtement dire que cette proposition est le meilleur contrat que nous ayons jamais négocié au cours de notre histoire. » L’appareil syndical avait aussi exprimé son manque de confiance dans la force des travailleurs en expliquant : « Nous ne croyons pas pouvoir obtenir plus par la grève. » Avec la prime de 3 000 dollars promise à chaque salarié en cas de vote favorable à l’accord, tout était fait pour qu’ils l’approuvent.

Mais les travailleurs n’ont pas été de cet avis. Les 25 % promis ne rattrapaient même pas l’absence d’augmentations de salaire de ces seize dernières années, notamment au regard de l’inflation depuis 2020. De plus ils avaient en travers de la gorge les licenciements massifs subis lors de la pandémie, et ceux plus récents pour maintenir les profits malgré les amendes et les difficultés commerciales dues aux manquements à la sécurité ayant engendré catastrophes aériennes et incidents à répétition. Cela alors que Boeing a distribué ces dernières années 31 milliards de dollars en dividendes, gaspillé 43,5 milliards en rachat de ses propres actions et que son PDG, démissionnaire depuis, a été augmenté de 45 % en 2023.

Désavouant les dirigeants syndicaux, les 33 000 syndiqués concernés par le contrat – sur les 150 000 salariés de Boeing aux États-Unis – ont ainsi voté à 94,6 % contre l’accord a minima qui leur était proposé. Dans la foulée, ils ont voté la grève à 96 % avec comme objectif d’obtenir 40 % d’augmentation au cours des trois prochaines années, au lieu de ces 25 % sur quatre ans.

Le poids de ces dizaines de milliers de travailleurs, leur détermination massive à se battre pour faire plier leur patron, s’est ainsi imposé à la direction syndicale qui a dû faire volte-face. Ces bureaucrates, jusque-là opposés à la grève, l’organisent à présent.

La paralysie d’une des plus grandes entreprises américaines a poussé le gouvernement fédéral de Biden et de la candidate Harris à intervenir, dépêchant immédiatement un médiateur. Sa tâche est de mettre fin à la grève, et c’est aussi le but de Boeing et de l’appareil syndical. Les grévistes se trouvent donc confrontés à plusieurs ennemis – le patron, le gouvernement et la direction syndicale – qui cherchent tous les moyens de leur faire déposer les armes et reprendre le travail. Ils peuvent s’attendre à d’autres manœuvres et d’autres mensonges.

Pour l’instant ces calculs ont été bousculés par les 33 000 grévistes. Comme l’exprimait l’un d’entre eux : « La solidarité est là. J’espère que mes camarades se tiendront épaule contre épaule pour dire à la direction que nous méritons mieux. » Quel sera l’effet de cette grève importante sur les autres travailleurs de Boeing et au-delà, dont les salaires ont aussi été laminés par l’inflation ? L’issue de la lutte entamée chez Boeing dépend en partie de son éventuel effet de contagion au sein du prolétariat américain.

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