Gestion de l’eau : céréaliers et agrobusiness s’arrosent24/07/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/07/une_2921-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C3%2C1281%2C1663_crop_detail.jpg

Leur société

Gestion de l’eau : céréaliers et agrobusiness s’arrosent

Les manifestants mobilisés contre la construction de nouvelles mégabassines en Poitou-Charentes dénoncent, avec l’appui de nombreux agriculteurs, la gestion inique des ressources en eau que ces projets révèlent, qui plus est dangereuse pour l’équilibre environnemental.

Ces réserves de substitution destinées aux gros agriculteurs, appelées mégabassines, fonctionnent selon un principe différent d’une simple retenue. Il ne s’agit pas de récupérer l’eau de pluie, ni l’eau excédentaire en période de crue. Il ne s’agit pas non plus de former un lac de barrage sur une rivière, ou de dériver partie d’un cours d’eau. Il s’agit de pomper dans les espaces naturels de stockage que sont les nappes phréatiques pour remplir pendant les périodes d’abondance, même relative, des réserves artificielles de dizaines ou centaines de m3 de contenance constituées d’une gigantesque bâche imperméable. Il aura ainsi fallu 45 jours de pompage ininterrompu pour remplir la mégabassine de Sainte-Soline. L’eau stockée peut ainsi être utilisée en période sèche pour irriguer ou arroser des cultures assoiffées.

Le principe de ces stockages est largement controversé. De nombreux agriculteurs, confortés par des études scientifiques, contestent l’efficacité de l’irrigation massive et temporaire sur des sols appauvris en humus et en éléments organiques. Ces retenues d’eau par définition n’humidifieraient pas le sol en profondeur et ne profiteraient qu’à des cultures gourmandes en eau, comme le maïs et les céréales. Elles seraient, de par leur surface, sujettes à gaspillage par évaporation (entre 4 et 60 % selon les études et la température).

Enfin, et surtout, décidées dans la plus grande opacité entre pouvoirs publics et chambres d’agriculture, coopératives et capitalistes de l’agrobusiness, elles n’intègrent absolument pas le point de vue des plus petits agriculteurs, qui n’ont ensuite pas accès à ces réserves, et encore moins celui de l’ensemble de la population. Au contraire, nombre d’agriculteurs subissent les périodes de sécheresse, encore accrues par la baisse de niveau des nappes elles-mêmes du fait des pompages massifs.

Le nombre de projets de mégabassines en cours est évalué à 300 par plusieurs associations et, à étudier le financement de six premières réserves programmées en 2018 et installées dans les Deux-Sèvres, sur un coût de plus de 9 millions d’euros, 70 % étaient couverts par des crédits publics. Si les capitalistes de l’agriculture, représentés entre autres par la FNSEA, sont présents dans les multiples organismes qui président aux décisions à l’échelon territorial – Agence de l’eau, association d’irrigants, comité de bassin, commission locale de l’eau, etc – les petits paysans n’ont guère voix au chapitre. La guerre de classes passe aussi par l’eau.

Partager