Le gouvernement sort le chloroforme23/10/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/10/une_2934-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Le gouvernement sort le chloroforme

La vente par Sanofi de sa filiale Opella au fonds d’investissement américain CD&R a fait la une des médias. Le fait que les travailleurs d’Opella y voient une menace pour leur emploi a été noyé dans un débat autour du contrôle de la production du Doliprane.

Comme si l’enjeu était que ce médicament reste un « fleuron français »… alors que ses principes actifs sont déjà produits en Chine et en Inde.

Les 1 700 travailleurs d’Opella en France craignent à juste raison pour leur avenir car les ventes de ce type sont toujours des occasions pour attaquer les conditions de travail et supprimer des emplois. La menace concerne au même titre les 100 000 autres travailleurs d’Opella dans le monde car cette filiale est présente dans 150 pays.

Le gouvernement a annoncé lundi 21 octobre qu’un accord tripartite (État, CD&R et Sanofi) accompagnait la vente de 50 % des actions d’Opella de Sanofi au groupe américain. Pour donner crédit aux prétendues garanties incluses dans cet accord, le PDG de Sanofi, Paul Hudson, a déclaré à la presse que les ministres de l’Économie et de l’Industrie s’étaient montrés « très fermes sur ce qu’ils attendaient, à savoir protéger la souveraineté de produits tels que le Doliprane, assurer l’approvisionnement en médicaments et garantir les droits des salariés. » Quand un patron d’un trust comme Sanofi salue ainsi l’action de ministres, on peut être certain que ces derniers n’ont pas exigé grand-chose.

La banque publique Bpifrance prendra donc 1 à 2 % du capital. Si tant est que cette banque veuille défendre les intérêts des salariés de l’entreprise au conseil d’administration d’Opella – et rien n’est moins sûr – , quel poids aura-t-elle face aux 48 ou 49 % de CD&R alliés au 50 % de Sanofi ?

L’accord prévoit aussi le « maintien de la production de Doliprane à Lisieux et à Compiègne » assorti d’une sanction « allant jusqu’à 40 millions d’euros si la production devait s’arrêter ». Mais que seraient ces 40 millions d’euros quand on sait qu’Opella représente un chiffre d’affaires de 5,2 milliards d’euros et que CD&R met 8 milliards d’euros sur la table pour cet achat ?

L’autre engagement concerne un éventuel plan de licenciements. Dans ce cas, l’accord prévoit « 100 000 euros pour chaque licenciement ». Cette garantie est une façon d’annoncer par avance ces licenciements. Quant aux 70 millions d’euros d’investissements sur cinq ans que l’État aurait imposés, « c’était déjà le niveau des investissements prévus par Opella », a fait remarquer une militante syndicale de Sanofi.

Les travailleurs n’ont évidemment rien à attendre de l’État. S’ils doivent se battre, il sera contre eux et du côté des actionnaires, tant CD&R que Sanofi. Car derrière l’agitation d’un grand nombre de femmes et d’hommes politiques autour du Doliprane, « médicament français », il y a l’idée mensongère que des actionnaires français, comme Sanofi, seraient en soi « meilleurs » que des actionnaires étrangers.

La vraie frontière n’est pas nationale, elle est sociale. Il y a les travailleurs d’un côté et les actionnaires de l’autre, quelle que soit leur nationalité. Et quand l’État fait semblant d’être du côté des travailleurs, c’est encore une façon de servir les intérêts des actionnaires.

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