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Dans le monde
Italie : le numéro d’équilibriste de Meloni
Les déclarations de Trump en faveur d’un accord avec Poutine pour se partager l’Ukraine ont désorienté ses subalternes qui dirigent les puissances européennes.
En Italie, cette situation fait tanguer l’attelage gouvernemental, tandis que les travailleurs continuent de payer le prix fort pour que les profits de la bourgeoisie demeurent au sommet.
Laissant Macron et Starmer endosser le costume de grands résistants à l’autocrate Poutine, Meloni revendique un « lien » particulier avec Trump pour présenter son gouvernement comme le moyen de maintenir le « pont » atlantiste entre États-Unis et Europe. Meloni et son parti ex-fasciste, Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) pensent ne pas avoir intérêt à prendre leurs distances avec un Trump dont la démagogie plaît à une bonne partie de leur électorat, sans pour autant tourner le dos à l’UE et à tout ce qui dépend d’elle pour les entreprises italiennes.
Meloni s’essaie donc à l’art délicat de l’équilibrisme, assurant d’un côté qu’il faut bien entendu s’armer mais qu’il faut le faire sans creuser la dette de l’Italie, tout en louant l’attitude de Trump, qui prétend vouloir mettre fin à la guerre en Ukraine.
Dans ce jeu politique, le principal adversaire de Meloni est aussi son allié au gouvernement. Le vice-président du conseil, Salvini, ministre des Transports et dirigeant du parti xénophobe d’extrême droite La Lega (La Ligue), se démarque de Meloni, en espérant sans doute lui rafler la part d’électorat qu’elle lui a ravie lors des précédentes élections.
Moins contraint de respecter les apparences de responsabilité, Salvini peut critiquer le plan de réarmement européen, en déclarant par exemple : « Utiliser de l’argent italien pour payer des chars d’assaut allemands ? Non merci ». Revendiquant un pacifisme patriotique, il a saisi l’occasion d’apparaître plus radical que sa rivale sur les terrains les plus crasseux, déclarant par exemple : « Le problème de l’Italie, c’est la frontière sud et l’immigration clandestine, pas l’invasion des cosaques ».
Dans l’opposition aussi, les dirigeants politiques et syndicaux, parfois d’un même parti, prennent des positions différentes. Cela va du ton franchement belliciste en soutien du plan de réarmement européen, aux déclarations pour le fustiger. Mais tous défendent d’une seule voix de prétendus « intérêts nationaux », qui sont en réalité les intérêts des industriels et des marchés, y compris des marchands d’armement. Car s’ils veulent garder l’oreille pacifiste d’une large partie de l’opinion italienne, ils ne manquent pas une occasion de ravir des marchés pour l’Italie, qui a réussi à se hisser au sixième rang des pays exportateurs d’armes.
Meloni pourrait avoir du mal à se maintenir en équilibre et devoir affronter une crise politique. Mais, quoi qu’il en soit de la position du gouvernement vis-à-vis des décisions de l’UE et de ses alliances, les travailleurs peuvent être certains que les fortunes de la bourgeoisie continueront à se faire sur leur dos.
Le dernier rapport mondial sur les salaires de l’Organisation internationale du travail, présenté le 24 mars, indique que les salaires italiens sont les plus bas des pays du G20. L’augmentation moyenne de 2,3 % en 2024 est loin de rattraper la baisse enregistrée les années précédentes, alors que l’inflation arrivait à des sommets jamais atteints depuis 40 ans. Pour ne plus subir des salaires minables et des conditions de vie qui se dégradent, les travailleurs devront mener leur guerre contre la bourgeoisie et aucun de ses dirigeants politiques ne sera de leur côté.