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Leur société
L’attentat contre Charlie Hebdo : un crime et son exploitation politique
Le dixième anniversaire des attentats contre Charlie Hebdo et un Hyper Casher parisien aura été une nouvelle occasion de faire serrer les rangs, au nom de la lutte contre le terrorisme, derrière des dirigeants politiques qui sèment la barbarie dans le monde.
L’assassinat planifié des dessinateurs et des journalistes d’un journal moquant les religions et les institutions, celui de personnes choisies car juives et l’exécution froide de policiers par des militants djihadistes se réclamant d’Al-Qaïda, avaient créé un choc dans toute l’opinion. Ces assassins n’étaient pas seulement des ennemis de la liberté d’expression, mais des ennemis de la liberté tout court.
Mais cette légitime émotion fut instrumentalisée sans délai par Hollande, alors président de la république, par Valls, Premier ministre, avec le soutien de Sarkozy, pour justifier leur politique en Afrique ou au Moyen-Orient et faire oublier que l’impérialisme n’a cessé de nourrir le terrorisme non seulement en semant partout l’oppression et l’injustice mais aussi, souvent, en soutenant les forces les plus réactionnaires. Le 11 janvier 2015, Hollande fit défiler à Paris des chefs d’État du monde entier pour, sans rire, défendre la démocratie et la liberté d’expression. Aux côtés des dirigeants des puissances impérialistes fauteurs de guerre, une brochette de dictateurs africains dévoués aux intérêts de Total ou de Bolloré, du style Omar Bongo, ouvraient le défilé. Au premier rang des démocrates et pacifistes, se trouvait Netanyahou qui employait, déjà, le terrorisme d’État contre les Palestiniens, en particulier à Gaza.
Valls s’était fait ovationner à l’Assemblée en déclarant : « la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l’islamisme radical ». Les attentats étaient utilisés pour justifier, à l’extérieur, l’intensification des interventions militaires françaises en Afrique et au Moyen-Orient et, à l’intérieur, le renforcement de lois sécuritaires et les restrictions de la liberté. Tout en exigeant l’unité nationale, les politiciens désignaient une fraction de la population, celle de culture musulmane vivant dans les quartiers populaires, comme un potentiel ennemi de l’intérieur.
Depuis dix ans, chaque nouvel attentat, chaque fait divers tragique, a été instrumentalisé dans le même sens. La défiance compréhensible d’une fraction de la jeunesse vis-à-vis « des valeurs de la république » dont elle ne voit souvent que les contrôles au faciès et la relégation dans des ghettos de pauvreté, est présentée comme du « séparatisme » et condamnée comme telle. Le racisme ordinaire n’a cessé d’être encouragé par les politiciens, qui désignent l’immigration, et en particulier sa partie musulmane, comme responsable de tous les maux.
Au fil des années, ceux qui contestent la politique de l’État français sont de plus en plus souvent assimilés à des apologistes du terrorisme. Ainsi, des manifestations pour dénoncer la politique criminelle de l’armée israélienne à Gaza, avec le soutien de l’impérialisme, ou des conférences de militants propalestiniens ont-elles été interdites tandis que des militants syndicaux étaient traînés devant les tribunaux pour des tracts exprimant leur indignation.
Si le communautarisme est une impasse, ce n’est en aucune manière une raison pour accepter de s’aligner derrière les dirigeants qui entretiennent les guerres et la misère et osent ensuite se présenter comme des champions de la justice et de la démocratie.