Migrants : l’UE paye pour cacher ses crimes05/06/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/06/une_2914-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Migrants : l’UE paye pour cacher ses crimes

Le Conseil européen a adopté le 24 mai la nouvelle réforme de l’espace Schengen. Elle vise en particulier à développer encore le financement des États du Maghreb pour qu’ils empêchent par tous les moyens les migrants d’atteindre la Méditerranée.

Cette pratique n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis que le sommet de La Valette, à Malte, l’a initiée en 2015. En Mauritanie, l’Union européenne a financé pour 500 000 euros la reconstruction de centres de rétention où les migrants raflés par la police sont emprisonnés, avant d’être embarqués dans des bus qui les abandonnent sans eau ni nourriture dans le désert, à la frontière malienne. En Tunisie, c’est 105 millions d’euros qui ont été versés en 2023 par l’UE. Le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, s’était même déplacé en personne peu de temps auparavant pour la remise de 25 millions d’euros. Au Maroc, les forces auxiliaires de sécurité et la gendarmerie ont reçu pour leur part 65 millions d’euros.

Un groupe de médias internationaux, dont le journal Le Monde, a recueilli les témoignages de migrants victimes de ces forces de répression financées par l’Europe. L’un d’entre eux, un Guinéen de 27 ans, affirme avoir été arrêté soixante fois dans les rafles quotidiennes que mène la police marocaine et lâché dans le désert. Le régime espère que les migrants ainsi harcelés choisiront en désespoir de cause de retourner là d’où ils viennent plutôt que de tenter le passage vers l’Europe. En Mauritanie, des migrants interceptés en mer ou raflés dans les quartiers de la capitale ont raconté aux journalistes de quelle manière ils ont été emmenés dans une zone désertique à plus de 1 000 km de là : « Ils nous ont jetés hors du bus, puis ils nous ont poussés vers la frontière. Ils nous ont chassés comme des animaux et ils sont partis. » En Tunisie, ceux qui sont arrêtés sont emmenés à la frontière de l’Algérie, dont les soldats n’hésitent pas à les prendre pour cibles, ou sont livrés à l’autre bout du pays aux milices libyennes, aux mains desquelles ils subissent des violences quotidiennes.

Toutes ces exactions, ces meurtres parfois, se passent loin des caméras qui documentent les naufrages en mer, loin aussi des ONG qui tentent de sauver les migrants, et les États de l’Union européenne payent pour ce silence. Quand leurs dirigeants affirment ne rien savoir des méthodes criminelles employées par leurs sous-traitants, c’est une hypocrisie révoltante. L’enquête du consortium de médias montre que les véhicules dans lesquels sont embarqués les malheureux qui vont être abandonnés dans les sables sont directement fournis par l’UE.

Les chefs d’État européens ont du sang sur les mains, même s’ils s’en défendent, et avec eux tous ceux qui réclament toujours plus de barrages aux frontières et qui ont donné de la voix dans ce sens dans leur campagne pour les élections européennes.

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