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Moldavie et Géorgie : entre impérialisme et Russie
Alors que la guerre en Ukraine ne faiblit pas, deux autres régions de l’ex-Union soviétique ont fait l’actualité récente : la Moldavie, coincée entre la Roumanie et l’Ukraine, avec ses deux millions d’habitants et, dans le Caucase, la Géorgie qui en compte deux fois plus.
Les mêmes forces que l’on voit à l’œuvre en Ukraine viennent de s’y affronter dans le cadre d’un référendum et d’un scrutin législatif et présidentiel : la Russie et, en face, des forces pro-occidentales, soutenues par l’Union européenne (UE) et les États-Unis, qui veulent détacher de Moscou de nouveaux morceaux de l’ancienne URSS.
Car on ne comprendrait rien à ce qui est en jeu dans ces pays si l’on ignorait la volonté des puissances impérialistes d’y pousser toujours plus loin leurs pions, et cela depuis plus de trente ans.
À en juger par les commentaires dépités des médias français et européens sur les élections en Géorgie et en Moldavie, les choses ne s’y sont pas déroulées comme prévu. D’abord il y a eu la victoire assez large du camp prorusse en Géorgie, qui a rejeté la perspective de son intégration dans l’UE. Puis, on a assisté à la victoire du « oui », mais d’extrême justesse, au référendum sur une future adhésion de la Moldavie à l’UE. Elle a été suivie, le 3 novembre, par la réélection d’une courte tête de la présidente moldave pro-occidentale, Maia Sandu.
Alors que depuis 2009 l’UE a conclu un « partenariat oriental » avec six pays issus de l’effondrement de l’URSS, dont l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, il n’a pas fallu plus qu’une défaite électorale et l’incapacité à emporter haut la main deux scrutins pour que l’UE et les États-Unis hurlent à « l’ingérence » de la Russie dans ces élections.
Comme si l’UE, en la personne de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et des chefs d’État des trois pays baltes, eux aussi d’ex-républiques soviétiques, n’avait pas pesé dans la campagne pour le « oui » en Moldavie, campagne à laquelle ils ont participé sur place ! Comme si, aux électeurs moldaves se trouvant en Russie que le Kremlin a aidés à aller voter aux deux scrutins, n’avait pas répondu une mobilisation parallèle, mais bien plus importante en nombre, des électeurs moldaves vivant et travaillant en Europe de l’Ouest !
Le fait que la moitié de la population moldave vive dans l’émigration, surtout en Occident, témoigne de la misère dans laquelle a été plongé ce pays, déjà le plus pauvre de toute l’Europe. Point n’est besoin d’invoquer une ingérence étrangère pour comprendre pourquoi le camp pro-occidental a recueilli à peine plus de la moitié des suffrages. Les travailleurs moldaves ont pu se persuader, en quatre ans de présidence pro-européenne, qu’ils n’avaient pas grand-chose de bon à en attendre.
Sur le papier, le « partenariat occidental » de l’UE se fixe, entre autres, pour objectif « d’édifier une économie plus forte », « d’améliorer l’environnement des investissements » et « de libérer le potentiel de croissance des PME ». Outre faire le bonheur des grands groupes occidentaux, cela a pu motiver les nantis locaux et les petits bourgeois rêvant d’enrichissement. Mais, pour les travailleurs, ces « réformes » se traduisent par des coupes sévères dans les services publics et la chute brutale de leur niveau de vie.
Il en va de même en Géorgie où le parti du Premier ministre pro-russe, le Rêve géorgien, a capitalisé sur son nom deux choses : le refus de la population de se laisser entraîner dans la guerre – celle en Ukraine étant vue comme résultant de la volonté occidentale d’attirer ce pays dans son camp – et le bilan de la présidence Saakachvili. Sa politique de 2004 à 2013, plus pro-américaine que pro-européenne, avait provoqué une guerre avec la Russie – qu’il avait perdue ainsi que la province d’Ossétie du sud – et l’appauvrissement des classes populaires, sur fond de pillage accru des richesses du pays et de flambée de la corruption. Honni du plus grand nombre, menacé par la justice, Saakachvili a pris la fuite… pour aller servir le régime ukrainien contre la Russie. Ayant cru pouvoir rentrer en 2021, il a aussitôt atterri en prison. La « démocratie » façon UE a les représentants qu’elle mérite.