Le Pen : pérorer, la main dans le sac09/04/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/04/P3-1_RN_serpent_menteur_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-134%2C0%2C1016%2C496_crop_detail.jpg

Leur société

Le Pen : pérorer, la main dans le sac

Après sa condamnation à quatre ans de prison, cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat et 100 000 euros d’amende, Marine le Pen, vêtue de lin blanc et de probité candide, crie au complot politique sur les plateaux de télévision et jusque sur une tribune de rue, lors du meeting organisé à Paris, dimanche 6 avril.

Illustration - pérorer, la main dans le sac

Le tribunal a pourtant démontré que son parti, le FN rebaptisé RN, avait des années durant détourné les fonds alloués aux députés européens pour salarier ses permanents politiques, ses amis et jusqu’au personnel de maison. Certains de ces prétendus assistants de parlementaires européens n’ont jamais mis les pieds au Parlement et ne peuvent fournir aucune preuve d’un travail quelconque pour cet organisme. Quelques-uns n’ont même jamais rencontré le député qu’ils étaient censés assister. Le tribunal juge que le RN a porté à une échelle industrielle cette pratique, au demeurant courante puisque nombre de députés et de partis ont déjà été condamnés à ce titre. Le détournement total dépasse les 4 millions d’euros et 25 membres du RN sont condamnés à diverses peines dans cette affaire.

Niant l’évidence, Le Pen a entamé une campagne politique contre les « juges rouges » qui seraient en train d’installer une « tyrannie » et, en l’empêchant d’être candidate à la prochaine élection présidentielle, « de priver les citoyens de leur droit de vote ». Elle-même et tous ses amis politiques se présentent pourtant depuis des dizaines d’années comme ceux qui « ont les mains propres », fulminent contre un prétendu laxisme de la justice, exigent l’inéligibilité immédiate et à vie pour les élus pris la main dans le sac. L’exécution provisoire de l’inéligibilité de Le Pen découle d’une loi que son parti avait votée des deux mains. Oui, mais, dit-elle contre toute raison, elle est innocente comme l’agneau qui vient de naître. Pour couronner le tout, Le Pen s’est comparée à Martin Luther King, le militant des droits civiques des Noirs américains, assassiné par un raciste en 1968.

Pour l’instant sa condamnation n’a guère soulevé d’émotion populaire, tellement les mœurs du RN apparaissent semblables à celles de tout le personnel politique de la bourgeoisie, depuis les discours vertueux jusqu’aux arrangements comptables, en passant par les menus plaisirs facturés sur deniers publics. Elle a, en revanche, secoué le petit monde de la politique, c’est-à-dire des concurrents directs de la condamnée. À droite, on a trouvé l’inéligibilité immédiate exagérée et d’aucuns se proposent déjà de revenir sur cette disposition. Bayrou, qui a besoin des voix des députés RN au Parlement, Retailleau, Darmanin et autres, qui cultivent les mêmes préjugés racistes et réactionnaires que le RN, demandent que la justice se presse afin que Le Pen puisse être candidate en 2027.

En revanche, la gauche, partis, syndicats et associations, fait campagne en « défense de l’état de droit » et, après celle de dimanche 6, appelle à des manifestations samedi 12 avril. Selon eux, il faudrait défendre les juges et la justice contestés voire menacés par l’extrême droite. Mais en quoi consiste cet « état de droit » dans un système où aucune grande famille d’actionnaires n’a jamais été condamnée pour ses méfaits, ne serait-ce que pour les morts au travail dans ses usines ; où il faut dix années de procès pour condamner fort légèrement des escrocs politiques, Sarkozy et Le Pen n’étant que les derniers d’une très longue liste ; où, en revanche, les prisons sont pleines de milliers de prévenus misérables en attente de procès.

Il faut évidemment combattre l’extrême droite ennemie des travailleurs, mais certainement pas en propageant l’illusion que le système judiciaire, la police et l’État en général défendent autre chose que l’ordre social. Leur « état de droit », c’est le droit des possédants à escroquer la population, à exploiter les travailleurs et à faire matraquer ceux qui se rebiffent.

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